Dormir
Dormir dormir à la fois bien et mal –
Notre lit est le train qui de nuit glisse
À travers des pays marqués sur nulle carte –
Le Grand Inconnu plus fort que Fantômas
A maquillé les numéros des wagons
Pour le compte du redoutable patron
Qui attend à la prochaine station:
L'inquiétude pour le jour de demain.
Si tu cries nous sommes perdus –
Laisse ma main débloquer les freins –
Nous glissons
Nous passons
À côté du wagon blanc fantôme
Des West-Indian-Bananas
Perdu sur la voie du Nord
– C'était ainsi prévu par le Maître –
Faisons semblant de dormir
Le bonheur est au bout du sommeil
Le train est à bout de tout –
Ma main qui a froid et qui sent la nuit
D'avoir travaillé dehors
Se repose sur ta hanche.
Paul-Gustave VAN HECKE
(Poèmes 1920-1923, p. 71.)