Paul-Gustave van Hecke “inspirateur en premier, père spirituel et inventeur du style de Norine”, dédia son recueil Poèmes 1920-1923 (Anvers, éditions Sélection, 1924) à sa compagne Norine. Tout comme comme Paul Joostens et Paul van Ostaijen, Van Hecke était entiché du septième art. Van Ostaijen n'aimait pas Van Hecke. Il le considérait comme un “agioteur littéraire” et s'exclamera en conclusion de sa critique particulièrement acerbe de Poèmes 1920-1923: “À bas le modernisme métèque” (Vlaamsche Arbeid, XV, 1, janvier 1925, pp. 30-34).
Le poème “Cinéma” (pp. 90-91) est prémonitoire: après la Seconde Guerre mondiale, Van Hecke lancera le Festival du Cinéma de Bruxelles et sera distributeur de Pathé en Belgique.
Cinéma
Mes parents
Plus que moi fervents
Des épisodes par kilomètres
En veulent pour leur argent
Et ainsi respectent leur habitude et la mienne
En m'emmenant dormir au cinéma.
Soudain
Enfin
Dans ma boîte crânienne
Au milieu de la séance
Aiguë jouissance
J'ai mal à l'imagination
Déclic de silence
Dans ma tête à l'abandon -
Le dernier film remue
Buées et vibrations perdues
Dans le gris de mes yeux
Qui plus loin que l'écran
Sont déjà avec eux:
Agfa
Ali-Baba
Monte-Cristo
Charlot
Keraban
Nick Carter
Fatty
Caligari
Tom Mix
Le siffleur tragique
Le grand inconnu
Le maître du rail
La terre du diable
Marianne la femme aux seins de cuivre
Ou l'empoisonnement par le vert-de-gris
Et la main coupée pour la bague-mystère
Qui toute la nuit dernière
A tracé des mots animés
Sur mon sommeil agité -
Cinéma cinéma cinéma Pathé!
Paul-Gustave VAN HECKE