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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 06:22

Existe-t-il seulement un poète du nom de Paul Dewalhens ? J’en doute. Dewalhens est un mythe. Le mythe du centaure. Un centaure qui cavale par monts et par vaux, qui rue des quatre fers sur la carte du Tendre. Rien ne le rebute, ni du rocailleux ni du broussailleux. On se cache pour ne pas le voir. C’est l’explorateur d’une région fabuleuse.

Dewalhens est le précurseur du « pop’art » en Belgique. Il croit dur comme fer à l’efficacité des coloriages totémiques. Sa révolte est une révolte de peau-rouge, immense révolte contre la routine littéraire, militaire, publicitaire. Un poète est un spécialiste des mots. À cet égard, Dewalhens s’est acquis une maîtrise étonnante dans son art. Tout fait farine au moulin de sa rhétorique science, au point d’avoir établi, sur de grandes pages de papier journal, un véritable mur de la poésie.

Depuis Platon l’État craint d’être trompé par les poètes, et l’État a bien raison, car le poète est un frondeur, un terrible frondeur des valeurs établies et toutes tendues vers l’automatisme. C’est dans des images visuelles, dans des collages poétiques et des assemblages picturaux qu’il cherche à retrouver le véritable rythme du cœur.

Dewalhens est un centaure qui habite un temple grec à Tirlemont. Le seul interlocuteur valable qu’il rencontre dans son étroit cabinet d’archiviste est son ami Pirewit, une tête de mort, celle d’un jeune homme mort de la peste au dix-huitième siècle et qui tous les matins lui sourit de toutes ses dents :

« - Eh bien, Popol, tu as bien dormi ? J’ai appris que tu ne dormais pas bien, alors que moi je dors tout le temps... »

Un centaure qui parle avec les morts et qui s’ébroue parmi les tombeaux.

[...]

C’est le centaure explorateur d’une région particulièrement insolite, une région chimérique entre toutes où l’on ne s’aventure pas volontiers parce qu’il y règne un silence pétrifié. Celle qu’Apollinaire appelle la contrée où tout se tait : la Bonté.

Paul NEUHUYS

 

Ce texte de Paul Neuhuys a été publié en avant-propos de la plaquette Tombeaux de Paul Dewalhens (1902-1991), parue en décembre 1970 aux éditions de La Dryade.

Voici le tombeau de Paul Joostens :

 

Paul Joostens (1889-1960)

À Paul Neuhuys qui fut son ami

I

 

Au Xe t’aurais construit des cathédrales.

Dans ce monde affaibli, usé, croulant, vandale

tu n’érigeais plus que flamboyant bric-à-brac,

dégoûté dégoûtant la marionnette en sac.

Bois vermoulu, ressort rouillé,

ah de plastique ayez pitié !

 

Te voilà écroulé, gisant d’ultime escale,

sidéré dans les plis des vierges boréales,

libéré du malin, de son orchestrion

aux tons de bohémienne et sueurs de graillons.

Bridon flamand, belles catins,

ah vieux bidons, priez matin !

 

Dada sur le danger comme sur les sirènes,

cocardier colligeant le thuya dans les rênes,

les anges fustigeant les décors de pieds bots,

te voilà l’innommé à tire-larigot.

Boîte à boutons et d’allumettes :

retable – écho à turlurette !

 

II

 

Reproches de la fille du garde champêtre     à l’ombre de Paul Joostens

Ce montage d’objets hétéroclites

fait honte à mon corps de femme bénite.

Que me fait ce fil d’arroi

dont ne voudrait aucun roi

 

et cet ébouriffoir de pie-grièche

dont pas un mâle ne voudrait la mèche ?

C’est pour m’asseoir l’escabeau

et pour marcher mes sabots !

 

Ah lumière sur mes œufs à la coque,

salade et jambon de la belle époque !

Les râpes c’est pour les veaux,

le douteux verser à l’eau...

 

Je cueille juteux fardé de soleil

et prends mon plaisir couchée au vermeil.

Cher artiste tétraèdre

t’as trop rongé l’os à Phèdre !

Paul DEWALHENS

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