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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 04:00

Le 22 septembre, le 2e prix triennal Michel de Ghelderode a été décerné à Roland Beyen (°1935), professeur honoraire à l'Université de Louvain (K.U. Leuven) et membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises. Officiellement pour son édition du tome VIII de la Correspondance de l'auteur dramatique (cf. le blog du 6 octobre), en réalité pour l’ensemble de ses travaux (évoqués à plusieurs reprises dans notre Bulletin) et plus particulièrement pour son projet de publier les tomes IX et X, ce dernier illustré. Plutôt que de se lancer dans un grand discours sur Ghelderode, le lauréat s’est attaché à raconter quelques anecdotes relatives à ses recherches et à ses aventures et mésaventures ghelderodiennes. Il a bien voulu nous communiquer son texte, dont nous publions ici un dernier extrait (cf. les blogues du 5, 8 et 10novembre).

Lorsque j’apportai mon gros volume de 900 pages à Monsieur Hanse, il me dit, très admiratif : « Maintenant tu vas te reposer pendant trois ans. » J’essayai de me reposer en lisant Belle du Seigneur d’Albert Cohen, Voyage au bout de la nuit de Céline, À la recherche du temps perdu de Proust, Don Quichotte, les poèmes et les romans d’Hugo Claus, mais au bout de neuf mois, fatigué de me reposer, je pris la décision de reprendre la correspondance. Véritable Don Quichotte, je pensais comme en 1980 que l’entreprise n’allait pas me prendre plus de deux ans. Or le tome I, établi comme la Bibliographie sans le secours de l’ordinateur, parut à la fin de 1991. Cela fait donc vingt-huit ans que je consacre presque tous mes loisirs, avec un intervalle de trois ans, à dépister, déchiffrer, annoter la correspondance de Ghelderode, avec autant de de passion qu’au moment du coup de foudre d’avril 1962. Mon ami Jean-Luc Outers voudrait que j’écrive un petit livre sur ma « passion pour Ghelderode », ma « ghelderodite ». Je le ferai peut-être, après la sortie du tome X, car cette passion dure toujours. Elle dure parce que je suis persuadé, pour avoir lu, analysé, expliqué, vu beaucoup de pièces de théâtre, que Ghelderode, qui séjourne en ce moment au purgatoire des grands dramaturges, va revenir. Il suffit que les metteurs en scène cessent de jouer au dramaturge en adaptant des romans, des contes, des articles de journal et retournent au théâtre de texte. Il suffit que quelque grand metteur en scène découvre et monte avec succès une des grandes pièces de Ghelderode, comme ce fut le cas à Paris en 1947-1953, avec Hop Signor !, Escurial, Mademoiselle Jaïre, Fastes d’Enfer, Barabbas, Magie Rouge, La Farce des Ténébreux, La Balade du Grand Macabre, L’École des Bouffons. Je pense souvent à ce qu’André Reybaz, le déclencheur de la « ghelderodite aigüe », déclara en 1965 devant les caméras de la télévision française : « Ghelderode restera un exemple, un ferment, et on se servira de lui, on partira de lui à des époques où le théâtre aura justement besoin de revenir à ses origines, à quelque chose de dynamique, à quelque chose à la fois de profond et de forain. » Je suis persuadé que Ghelderode reviendra. Il n’est pas impossible qu’il revienne par le biais de ses contes. Je sais qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais j’attache beaucoup d’importance à la publication, il y a quelques jours, de Sortilèges, dans la prestigieuse collection « L’Imaginaire » de Gallimard, quelques mois après la publication chez Houtekiet de l’excellente traduction néerlandaise, par Chris van de Poel et Hilde Rits, de Voyage autour de ma Flandre et de Sortilèges, sous le titre Reis door mijn Vlaanderen en andere verhalen. Je suis évidemment très heureux de recevoir les 2500 euros du Prix Triennal Michel de Ghelderode, mais je serais infiniment plus heureux si je pouvais trouver la force et la santé d’achever les tomes IX et X et contribuer ainsi au retour du théâtre de Ghelderode sur nos planches et sur les planches du monde.

Roland BEYEN

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