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2 février 2008 6 02 /02 /février /2008 03:57

Les idoles du marché et du théâtre jouent avec les mots dont ils sont l’enjeu. Pour Dan Van Severen, toute langue semble être devenue une langue étrangère, affectée par l’aliénation. Lassé de jouer avec les couleurs et avec les narrations picturales, il pense la loi dans le devenir et le jeu dans la nécessité.

Le trait peut sembler précis, il procède d’une hésitation comme égarée dans le grain du papier. Le geste peut sembler définitif, il naît d’une (in)certitude à la fois dévastatrice et obsédante. Posée, supposée et proposée, la ligne est tracée à l’infinitif : toutes formes conjuguées et regroupées.

Ce caractère abstrait de l’acte que l’infinitif évoque remplace la lecture par la contemplation. Aux chatoiements des somptueux glissements sémantiques, Van Severen oppose le pâle éclair d’une illumination sémiologique. Règle et relation : l’œuvre est une fin et un commencement, mesure et rassemblement. La raison débouche sur l’oraison.

Les icônes de Van Severen sont chargées d’une transparence trompeuse, d’une limpidité lucide.  Réorganisation de la perception et capacité de maîtriser sa propre énergie.

Derrière cette belle assurance que l’œuvre dénote: voix feutrée, pas furtif, bégaiements et tâtonnements. En amont, une paralysie menaçante, en aval ce vacillement de l’esprit sous un ciel de plomb.

C’est que la maîtrise se paie cher et que chaque œuvre, au point de rencontre de l’infinitif et de l’indicatif, est le produit d’une victoire durement acquise. Soudain, à la croisée de l’abstrait et du concret : co-incidence et co-naissance.

Le poète Yu sent que le poème descend par le bras droit, fait halte au coude, s’en va par les doigts. « J’ignore d’où il vient et où il va. »

(Pierre Garnier)

Comme pour les archers et les maîtres du sabre, il s’agit pour Van Severen de tirer sans viser.

Tirer la ligne.

Henri-Floris JESPERS

 

 

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