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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 09:50

 

 

« Je n’ai presque toujours connu que des inimitiés, même des détestations, des brouilles, des disputes, des discussions, des exclusions, des clouages au pilori. J’ai très rarement vu des surréalistes unis, amis pendant des années. On était très amis pendant deux, trois mois et puis ils se bagarraient, ils se chamaillaient. L’histoire du mouvement surréaliste, c’est vraiment la famille des Atrides. C’est affreux. » Voilà comment débute, en ces termes volontiers provocateurs, le deuxième volume de l’anthologie sonore de l’avant-garde en Belgique principalement consacrée à Magritte, Scutenaire, Marien, Mesens et les autres.

Scut a l’avantage d’avoir vécu le mouvement de l’intérieur et peut se permettre de le critiquer en connaissance de cause. On ne peut pas l’accuser de le dénigrer. Au contraire, par ces propos, son témoignage nous apporte une approche plus voisine de la réalité, moins édulcorée que celle qui est véhiculée par les médias. Rome ne s’est pas fait en un jour et ce sont ces multiples intrigues et confrontations qui donneront naissance au mouvement. Nous pouvons ainsi voir émerger, sur une décennie (1926-1938), des personnalités individuelles bien marquées reliées par une cohérence théorique.

Mesens voit plutôt le mouvement surréaliste de manière théorique : «  À la base du surréalisme français ou belge, il y avait une terrible soif d’éthique. Le surréalisme n’est pas un mouvement réductible à une question d’esthétique ou de mode artistique ou de goût. Je vois même dans le pop, il y a des possibilités énormes mais il y manque quelque chose au centre. Par hasard, nous avons ce trésor, nous sommes peut-être des magiciens. »

Bien que les questions des journalistes soient parfois d’une platitude désarmante, les réponses de Magritte et Colinet permettent de les contourner pour livrer de manière originale le message surréaliste : « C’est très gentil mais voyez-vous, il me faut généralement et à mon ami Colinet près de moi, il nous faut généralement 48 heures pour y répondre ». Le monde médiatique actuel, qui a érigé sur un piédestal l’immédiateté et les interviews du tac au tac, serait bien ennuyé s’il devait se plier aux exigences des deux comparses. Magritte et Colinet avaient déjà pu mettre en évidence les contingences inhérentes à l’interview ; ce que par exemple Pierre Bourdieu approfondira plus tard (Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Paris, éd. Liber-Raisons d'agir , 1996) .

Pour conclure, Achille Chavée nous parle du groupe Rupture, qui rassemblait des surréalistes du Hainaut : « Nous voulions indiquer par ce terme notre non-conformisme total , radical vis-à-vis de ce que nous avons appelé, de ce que nous considérions dans notre esprit la culture bourgeoise et ses méfaits . (…) Rupture a tenu son programme. Et dès 1935, un cahier intitulé Mauvais Temps qui exprime bien encore la manière dont nous posions le problème. Le mauvais temps c’était précisément, n’est-ce pas, les intempéries spirituelles que nous devions traverser dans la culture bourgeoise. C’est aussi à cette occasion que nous avons marqué notre adhésion au surréalisme et plus particulièrement naturellement au matérialisme dialectique. » Chavée s’est engagé dans les brigades internationales en Espagne et a participé aux grandes purges. Le témoignage de Chavée est donc l’occasion de le voir préciser ses opinions politiques qui l’ont mené à s’engager dans l’action militaire : « Il y a eu rupture au sein du groupe Rupture. Les difficultés, qui se sont présentés à Paris, se sont présentées chez nous aussi. En 1935, il vous en souviendra, est intervenu le pacte militaire franco-belge. Avec la signature de ce pacte, (les liens) se sont renforcées chez tous les surréalistes à tendance trotskiste. Par la suite, il y a eu des hésitations. Moi, je suis allé en Espagne, j’en suis revenu stalinien alors que j’y étais parti trotskiste. J’ai affiné mon point de vue. Nous avons taché de maintenir l’existence du groupe mais le drame qui s’est passé à Paris s’est passé chez nous aussi. (…) Les sécessionnistes étaient les staliniens, et c’est ainsi que fin 1938, nous avons fondé le groupe surréaliste en Hainaut qui se sépare donc du groupe Rupture, qui lui, n’a d’ailleurs donné… »

Robin de SALLE

« Magritte, Le Groupe Surréaliste De Bruxelles, Rupture (1926-1938) » dans : L'anthologie sonore de l'Avant-garde en Belgique, 1917-1978, Bruxelles, éd. Sub Rosa ( 149-151 Avenue Ducpétiaux 1060 Bruxelles info@subrosa.net ), 05 Dec 2006.

 

 

Tracklist

1. Louis Scutenaire - Inimitié, La Brouille, L'Exclusion (1:25 )

2 .Marcel Mariën - Aspects De L'Éthique Surréaliste (4:02 )

3 .René Magritte Et Paul Colinet - 48 Heures (5:50 )

4 .Louis Scutenaire - De La Violence (1:24 )

5 .ELT Mesens - A La Base Du Surréalisme... (1:02 )

6 .Marcel Mariën - Pour Un Surréalisme Apatride (3:32 )

7 .André Souris - Musique, Ready Made, Expérimentation (4:02 )

8 .Marcel Lecomte - La Revue Distance Et La Découverte De Scutenaire (1:45 )

9 .Louis Scutenaire - Mes Inscriptions (3:10 )

10 .ELT Mesens - Poème (0:38 )

11 .Louis Scutenaire - De Maranzac, Le Comte De La Permission, Le Curé Meslier (5:36)

12 .René Magritte - Le Surréalisme Et Les Questions (1:50 )

13 .Louis Scutenaire - Magritte (3:08 )

14 .Paul Delvaux - Travaux De Peinture En 1923 (1:28 )

15 .Constant Malva - Un Ecrivain Prolétaire (2:25 )

16 .Achille Chavée - Commentaires Sur Le Groupe Rupture ( 5:24)

17 .Achille Chavée - Et Moi Qui N'Ai Jamais Dit Adieu A Personne (1:14)

18 .Achille Chavée - La Brigade Internationale (1:44)

19 .Fernand Dumont - XXV Tiré Du Recueil "A Ciel Ouvert" (2:10)

20 .Fernand Dumont - La Grande Nocturne (1:50)

 

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