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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 08:32


Le nouveau recueil d’Alain Germoz (°1920) constitue un hommage à son ami Fernand Cuvelier (1926-2001), auteur  de l’ Histoire du livre : voie royale de l’esprit humain (Monaco, édition du Rocher, 1982, 302 p.), une méditation originale et une somme technique sur les beautés du livre. En 1996, Fernand Cuvelier publiait un recueil de courts poèmes intitulé La chose et son contraire, particulièrement apprécié par son ami Wojciech Skalmowski, l’éminent slaviste de la KUL décédé le 17 juillet 2008.

La même année 1996, Alain Germoz compose une série de brefs poèmes « dans un esprit analogue évident » : Le contraire de la chose.

« Toutefois, si la piste est identique, le cheminement l’est moins. Malgré l’admiration qui l’a motivé, le second texte procède d’un esprit de dérision dont le caractère jubilatoire, railleur, voire sarcastique, est une façon d’honorer chez Fernand Cuvelier ce qui relevait d’un non-conformisme parfois délirant dans nos discussions et devait forcément se traduire par des élans poétiques différents. Nous n’avions pas à être d’accord sur tout pour nous supporter et de nos désaccords mêmes sont nées des affinités électives dont le présent recueil, Le contraire de la chose, est l’hommage contradictoire que Fernand Cuvelier n’a jamais pu lire, le manuscrit égaré n’ayant été retrouvé que plus d’un an après sa mort. Nos contradictions s’y retrouvent, le combat verbal qui fut notre plaisir se poursuit. Sans doute aurait-il aimé qu’il en soit ainsi – que la mort ne supprime pas l’allégresse. »

En guise de conclusion de son recueil, Alain Germoz déclare :

Je suis l’un multiplié

L’un par l’autre

L’un d’eux trois

Trois fois l’autre

Subdivisé subjugué subséquent

Non tangent mais consubstantiel

L’un dans l’autre

*

‘Le moi composé’, telle est la définition dépréciative que donne Germoz de l’autobiographie dans Le Carré de l’Hypoténuse (1988). Son œuvre est toutefois simultanéité et succession du ‘moi composé‘ –mais au pluriel.

Germoz est en effet l’auteur (le facteur dirait Bachelard) de textes qui semblent courts, mais dont les ramifications multiples et diversifiées méritent largement cette approche attentive et consciencieuse qui leur a trop souvent été déniée. C’est que son œuvre participe d’une volonté d’effacement et de dépersonnalisation.

 Je suis

Une éventualité

De dur labeur

Sur les chemins interminables

D’une infinie paresse

 

Je suis

Une illusion

Qui prend corps

Avec l’âge

 

Je suis

Cornegidouille

Le petit bout de bois

Pour merdre

Dans les oreilles

 

Je suis

Plus imparfait que le subjonctif

Et je chavire volontiers

Entre deux mots à conjurer

 

Je suis

De tous les temps

Et d’une médiévale fureur

Contre une Mère Eglise

Qui persécuta les chats

 

Je suis

Un grand avocat d’Assises

Dont le talent résonne

Dans un pieux silence

Entre les murs de sa chambre

*

Le Contraire de la Chose est clôturé par une série de « scromphales ». Nés à l’improviste de l’ennui d’une communication téléphonique désespérément longue, ces personnages qui se prennent parfois pour une lettre, voire pour tout un alphabet, font leur apparition dans L’ombre et le masque (2002) et réapparaissent en couverture de La sandale d’Empédocle (2007).

« Ces petits personnages ont un caractère incontestable. C’est la spontanéité de leur naissance, leur besoin organique d’exister sans qu’il y ait à discerner une raison ou un objectif autre que la volonté d’être un peu plus que le frémissement du trait dont ils sont issus. S’ils avaient du volume, on pourrait les croire sortis de la glèbe et se cherchant une forme proche de l’humain, parfois de l’animal ou du végétal, tentative inaboutie qui n’exclut pas les sentiments. »

 

Alain GERMOZ, Le Contraire de la Chose, Anvers, Archipel édition, 2008, 89 p., 12 €. ISBN 978-90-807631-2-8.

 

Repères :

Henri-Floris JESPERS, Alain Germoz : Aujourd’hui, le riz condé a un goût âcre, in Bulletin de la Fondation Ça ira, no 29, pp. 13-35. Voir sur ce blog la rubrique bibliographie.

Sur ce blog : les communications du 20 et 21 avril 2008.

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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 20:17



Paul Neuhuys, dessin de Pierre-Louis Flouquet.

 

Je poursuivais mon étude sur l’orientation de la conscience lyrique, avec le souci toutefois de ne pas trop nous prendre au sérieux. Ne pas se prendre au sérieux, c’est se défendre contre le sérieux de la vie, et je faisais jouer l’inconscient par l’ironie, car seul l’inconscient ne ment pas. Le vrai langage onirique est ironique. C’est ainsi que la poésie devient le seul moyen de connaître quelque chose sur cette terre. Lorsqu’on me disait d’un poète qu’il avait pris conscience de la gravité de son art, je savais d’avance que je le trouverais un peu rasoir. L’art devait être pour nous quelque chose de joyeux : « Quand nous serons fatigués d’être gais nous serons contents d’être tristes » avais-je écrit dans Le Canari et la Cerise.

A pendulum between smile and tears… un pendule qui oscille entre le rire et les larmes, n’est-ce pas la vraie définition anglaise de l’humour ?

 

De fil en aiguille, de fil d’Ariane en aiguille de Cléopâtre, je fus amené à la révélation Dada et publiai dans le numéro 14 de Ça Ira un article consacré à Dada qui allait décider du sort de la revue.

Paul NEUHUYS, Mémoires à dada, Bruxelles, Le Cri, 1996, p. 57.

 

Afin de nous remettre exactement dans l’ambiance de l’époque, cet article sera reproduit in extenso sur notre blogue. Il date de 1921.

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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 18:32

Établi, annoté et commenté par Roland Beyen, le huitième volume de la Correspondance de Michel de Ghelderode couvre les années 1954-1957, troisième et dernière phase de la « ghelderodite aiguë », dont les premiers symptômes apparurent à Paris en juin 1947, qui « éclata » en juillet 1949 et culmina à partir du scandale de Fastes d’Enfer en octobre 1949 jusqu’au succès de La Balade du Grand Macabre et de Hop Signor ! en octobre 1953. La fin de cette dernière phase coïncide avec le début du rayonnement mondial du théâtre de Ghelderode, ce qui oblige le dramaturge à écrire un nombre grandissant de lettres d’affaires, plus documentaires que littéraires, mais qui n’en portent pas moins presque toujours le cachet de son génie épistolaire. Des « Notes » toujours aussi abondantes enrichissent l'information fournie par les lettres sur la personnalité fascinante du dramaturge et sur le sens et la réception de son théâtre. Les notices biographiques contextualisées ouvrent d'intéressantes pistes de recherche sur la Belgique et la France littéraires et théâtrales des années cinquante.

Roland Beyen est professeur honoraire à l'Université de Louvain (K.U. Leuven) et membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises. Le Prix triennal Michel de Ghelderode vient de lui être décerné pour la création du tome 8 de la Correspondance.

 

Correspondance de Michel de Ghelderode, 1954-1957, Bruxelles, Luc Pire &

A.M.L. Éditions, 2008, 720 p., 40 €.

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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 05:36


Établi, annoté et commenté par Roland Beyen, le huitième volume de la Correspondance de Michel de Ghelderode couvre les années 1954-1957, troisième et dernière phase de la « ghelderodite aiguë », dont les premiers symptômes apparurent à Paris en juin 1947, qui « éclata » en juillet 1949 et culmina à partir du scandale de Fastes d’Enfer en octobre 1949 jusqu’au succès de La Balade du Grand Macabre et de Hop Signor ! en octobre 1953. La fin de cette dernière phase coïncide avec le début du rayonnement mondial du théâtre de Ghelderode, ce qui oblige le dramaturge à écrire un nombre grandissant de lettres d’affaires, plus documentaires que littéraires, mais qui n’en portent pas moins presque toujours le cachet de son génie épistolaire. Des « Notes » toujours aussi abondantes enrichissent l'information fournie par les lettres sur la personnalité fascinante du dramaturge et sur le sens et la réception de son théâtre. Les notices biographiques contextualisées ouvrent d'intéressantes pistes de recherche sur la Belgique et la France littéraires et théâtrales des années cinquante.

Roland Beyen est professeur honoraire à l'Université de Louvain (K.U. Leuven) et membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises. Le Prix triennal Michel de Ghelderode vient de lui être décerné pour la création du tome 8 de la Correspondance.

 

Correspondance de Michel de Ghelderode, 1954-1957, Bruxelles, Luc Pire & A.M.L. Éditions, 2008, 720 p., 40 €.

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2 octobre 2008 4 02 /10 /octobre /2008 10:19

Dans le cadre du « Marathon des Mots », le roman Ma robe n’est pas froissée de Corinne Hoex sera lu par Mireille Perrier au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Théâtre du Rideau de Bruxelles), le dimanche 5 octobre, à 14 heures.

Corinne Hoex, licenciée en Histoire de l'Art et Archéologie, a travaillé comme enseignante, chargée de recherches, documentaliste et est l'auteur de plusieurs études relatives aux arts et traditions populaires. Depuis quelques années, elle se consacre à l'écriture de fiction. Elle a publié en 2001 un premier roman, Le grand menu (Éditions de l'Olivier), qui a bénéficié d'un excellent accueil critique et médiatique, et en 2002 un recueil de poèmes, Cendres (Éditions Esperluète). Son deuxième roman, Ma robe n’est pas froissée, est paru en janvier 2008 aux Impressions Nouvelles, coll. Traverses.

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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 23:32

Piet Tommissen publie une contribution à l’étude de la revue Ter Waarheid (1921-1924). Il signale et situe soigneusement dans leur contexte deux articles consacrés à Ter Waarheid : celui de F.B. [Fernant Berckelaers] paru dans le numéro 7-8 de Het Overzicht (octobre 1921) et la note anonyme publiée dans le numéro 18 de Ça ira! (mai 1922).

En avril 1921 Georges van Severen (1894-1940) avait déjà fait l’éloge de Ça ira! dans sa revue Ter Waarheid. En mai 1922 Ça ira! lui rend la politesse, signalant à ses lecteurs que Ter Waarheid est

« Très certainement la meilleure revue critique paraissant en pays flamand. Chaque numéro constitue un aperçu des plus complets de l’activité intellectuelle, tant chez nous qu’à l’étranger. Ses chroniques internationales sont rédigées avec une extrême compétence et un sens aigu de l’idée moderne dans les différents domaines où elle se manifeste. »

 

Piet TOMMISSEN, À propos “Ter Waarheid”, in: Nieuwsbrief Joris van Severen, driemaandelijks tijdschrift van het Studiecentrum Joris van Severen, XII, 4e trimester 2008, pp.4-9. Paddevijverstraat 2, B 8900 Ieper

 

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29 septembre 2008 1 29 /09 /septembre /2008 06:18


André de Ridder et Paul-Gustave van Hecke exerçaient la direction de la revue anversoise Sélection, « chronique de la vie artistique et littéraire », dont Georges Marlier assumait le secrétariat de rédaction. Au comité de rédaction figuraient entre autres E. L. T. Mesens et Paul Neuhuys.

Au sommaire du numéro du 15 juin 1925 (4me année, no 9) figurent entre autres des poèmes de Tristan Tzara, un compte rendu du livre d’André Germain De Proust à Dada par René Beeken, ainsi qu’une note critique d’André De Ridder à l’occasion de l’inauguration  de la galerie « La Vierge poupine » de Geert van Bruaene qui accroche Floris Jespers à ses cimaises. L’important article de Georges Marlier, « Conséquence de Dada » (pp. 257-265), n’a rien perdu de son actualité. Il y pose d’emblée un problème dont les prolongements sont bien réels :

Les tenants du surréalisme auront beau proclamer la mort de Dada, cela n’empêchera oas leur mouvement de n’être que la continuation d’un des aspects du dadaïsme et précisément de celui qui se trouvait être le moins original, le plus proche de certaines tentatives littéraires antérieures. Il est même assez paradoxal que les surréalistes – qui ne laissent échapper aucune occasion de manifester le dégoût que les lettres leur inspirent – se dépensent en faveur d’un moyen d’expression qui accuse un caractère esthétique beaucoup plus aigu que le dadaïsme primitif. « Vraiment, s’écrie à bon droit Ribemont-Dessaignes, c’était la peine d’avoir voulu détruire le système de la gravitation universelle et le placer sur le bout de son doigt ou de son nez, pour venir mettre au jour un joli système littéraire... Une petite côte de Dada, voilà ce qu’est le surréalisme ».

 

Lors de ses entretiens hebdomadaires avec Alexandre Grenier, dont j’ai perçu les échos à distance, Michel Seuphor répond avec acuité à la question de savoir si Dada est un pont qui mène au surréalisme :

Je sais que c’est là une idée généralement admise, mais je réponds « non » avec force. Tout sépare Dada du surréalisme ! Cela n’a rien à voir ! Dada, c’est la révolte absolue, le surréalisme n’en est pas la la suite, mais la négation. Les faits sont là : où il y a-t-il une tête à Dada ? Nulle part. Dada est une hydre à neuf têtes. Personne n’est directeur ni dictateur. Tous ont une valeur et une importance égales. Le surréalisme naît avec un conducteur, un « duce » : Breton. Le dadaïsme à Zurich est immédiatement international. il est français, roumain, suisse, allemand, etc. Le surréalisme, lui, est français. Il est même, plus exactement, parisien et xénophobe. Alors que Dada, comme De Stijl du reste, est pluridisciplinaire et polyglotte, le surréalisme français ne s’ouvre absolument pas au reste du monde. Pire même, puisque Breton le rétrécit de plus en plus, ne voulant même connaître que le français. Quand il s’est réfugié en Amérique, pendant la guerre, il a refusé d’apprendre l’anglais sous prétexte que cela mettrait son beau français en danger ! Il était ainsi pétri d’idées aussi snobs que fausses.

 

« Personne n’est directeur ni dictateur. Tous ont une valeur et une importance égales. » Est Dada qui se déclare tel et jouit qualitate qua du titre de Président de Dada...

(HFJ)

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28 septembre 2008 7 28 /09 /septembre /2008 17:31


Philippe Noble, conseiller culturel auprès de l’ambassade de France à Vienne, consacre dans le dernier numéro de Septentrion une étude solidement documentée à la littérature d’expression néerlandaise en traduction française. Selon lui,

Le niveau actuel correspond probablement à ce que peut absorder pour le moment le marché de l’édition francophone. Il y a de bons traducteurs, dont les rangs grossissent lentement mais sûrement, des maisons d’édition assez fidèles à leurs auteurs, mais sans renoncer à de nouvelles découvertes (on leur souhaiterait parfois juste un peu plus d’audace). Bien sûr, beaucoup de livres traduits ont un public restreint, qui ne dépasse guère mille à deux mille lecteurs. C’est le cas bien souvent des premiers livres traduits, et il faut mettre des années pour élargir ce premier cercle.

Georges Lory, directeur des affaires internationales de Radio France internationale, traite de l’avenir de l’Afrikaans et Laurent Philippe Réguer de l’enseignement de l’Afrikaans à la Sorbonne. Jan Siebelink est le traducteur de À rebours, le roman décadent de Joris-Karl Huysmans (Tegen de keer, Baarn/Amsterdam,Ambo / Polak & Van Genneot, 1987). L’énorme succès de son roman largement autobiographique Knielen op een bed violen (2005, ‘S’agenouiller sur un lit de violettes’), dont les ventes dépassèrent 600.000 exemplaires, est commenté par Daan Cartens, conservateur du Letterkundig Museum à La Haye.

Hendrik Carette ne se considère pas comme « le plus grand poète flamand encore vivant à Bruxelles », mais en tout cas comme « le plus grand lecteur »... Il consacre une essai décousu mais par moments attachant sinon déroutant à ‘Bruxelles, une serre chaude’. Si le titre est somme toute trompeur, le thème n’apparaissant qu’en filigrane au fil des pages, il sert de prétexte à la publication et au commentaire d’un poème de l’auteur en traduction française.  Carette consacre également une note de lecture au beau livre de Gérard Berréby, Piet de Groof, le général situationniste (Paris, éditions Allia, 2007 – cf. notre Bulletin no 32, pp. 36-44 ainsi que divers articles sur ce blogue). La baronne Angèle Manteau (1911-2008), « éditrice wallonne d’auteurs flamands », est évoquée par Kevin Absillis. Il n’hésite pas à comparer la directrice des éditions Manteau à Gaston Gallimard et à Bernard Grasset.

 

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 19:10

Curieux destin littéraire que celui de Hellens, écrivain parfois prolixe et fuyant mais toujours attachant, publié ou réédité par les plus grands éditeurs parisiens, mais qui restera le prototype du writer’s writer : apprécié par ses pairs, ignoré du grand public. Il en était bien conscient, écrivant dans son journal le 1er janvier 1972, moins de trois semaines avant sa mort :

« Dans dix ans, quand ma personne sera réduite à une poignée de poussière, on m’aura complètement oublié. Mes livres dormiront de leur belle mort dans la poussière des bibliothèques. Si, par hasard, un de ces ‘rats’ qui fréquentent ces cimetières, mettra la main sur l’un deux, le titre l’ayant surpris, il en feuilletera peut-être quelques pages, puis le reglissera dans sa tombe. »

Même s’il n’est plus guère lu aujourd’hui, Hellens est en passe de devenir un écrivain culte. Le docteur Sourour Ben Ali Memdoub a assuré l’édition, l’introduction et les notes des Carnets d’un vieillard : l’Âge et Moi, un manuscrit découvert à la Bibliothèque royale de Bruxelles, qualifié par son auteur d’ «ouvrage capital » , « le seul peut-être, où j’ai atteint mes limites ». En annexe Mme Sourour Ben Ali Memdoub a réuni des extraits de textes de Hellens traitant des mêmes thèmes (le temps, la vieillesse et la mort) : Journal de Frédéric, Moralités peu salutaires, Dans l’automne de mon grand âge, L’Âge dur, Valeurs sûres et Cet Âge qu’on dit grand.

 Œuvre majeure, en effet, que ces Carnets d’un vieillard où Hellens déploie toute la maestria d’une prose dont il décline toutes les gammes. Il ne s’agit pas d’un ars moriendi, mais d’une leçon de vivre qui n’est pas sans évoquer Montaigne, Marcel Jouhandeau, Julien Green, quelques considérations que Marguerite Yourcenar met dans la bouche d’Adrien ou, bien sûr, Saint-John Perse (Chronique) et Cicéron (De senectute). Hellens conjugue à loisir les thèmes d’ Horace (Eheu ! fugaces, Posthume, Posthume, labuntur anni...) et de Cicéron (Emori nolo : sed me esse mortuum nihil aestimo)

*

De son propre aveu, trois hommes auront poussé Paul Neuhuys « sur l’épineux sentier poétique » : Elskamp, Cocteau et Hellens.

Paul Neuhuys et Franz Hellens, La Celle-Saint-Cloud, août 1956

 

Les premiers écrits de Neuhuys sur Hellens datent de 1921 ; son essai sur « Hellens ou la fantastique acceptation du réel » parut dans un recueil d’études, de souvenirs et de témoignages offert à Hellens à l’occasion de son 90e anniversaire,  achevé d’imprimer en décembre 1971. (Hellens décède le 20 janvier 1972.) Neuhuys gardera un souvenir ému de Hellens, à qui il consacrera le premier poème du cycle « Que sont nos amis devenus », dans L’Agenda d’Agénor (1984), son dernier recueil.

 Franz Hellens

 

Excelle à déceler

la somme d’énergie d’un objet inanimé

jusqu’au fétichisme de Bass-Bassina-Boulou

 

            Sur le ponton du Steen

            haut lieu du monde

            mon grand ami des lettres

            évoque l’humour de Mélusine

            par des Conseils aux Inhumés

 

Dada n’était pour lui qu’un coup d’épée dans l’eau

 

            Et dans la forêt de Louveciennes

            je l’entends encore bougonner

            comme contre son gré:

            Aucune bête n’est sale

            seul l’homme est une sale bête

            qui s’obstine à salir sa furtive planète

 

(HFJ)

Franz HELLENS, Carnets d’un vieillard : L’Âge et Moi,  Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, Collection Centre de Recherches sur les Littératures modernes et contemporaines / Textes, 2007, 228 p., 15 €.

 

 

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11 septembre 2008 4 11 /09 /septembre /2008 03:49

L’association Charles Plisnier a couronné de son Prix Art et Histoire De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre (Bruxelles, Labor, 2004) de Laurence van Ypersele et Emmanuel Debruyne, avec la collaboration de Stéphanie Claisse. Les auteurs se penchent sur l’histoire souvent oubliée de l’espionnage des Belges et des Français du Nord, enfermés dans des territoires occupés et étroitement gardés par les Allemands pendant la Première Guerre Mondiale. Au total, 6000 agents opérèrent sur l’ensemble de ce territoire pour les services secrets belges, français et, surtout, britanniques.


Francophonie vivante (décembre 2007), revue trimestrielle éditée par l’association Charles Plisnier, consacre quelques articles à cet ouvrage que l’on pourrait qualifier de « rencontre entre la mémoire et le secret ». Dans cette foulée, Stéphane Brabant brosse le paysage de la résistance à l’occupant par la presse en Belgique durant le Seconde Guerre Mondiale.

Huguette de Broqueville établit un parallèle entre son dernier roman, Lydia, l’éclat de l’inachevé et De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. Il lui semble que « le roman, mieux que l’essai, a le pouvoir d’incarner et de vivifier les faits du passé. »

En ce qu’il diffère de l’essai ou de la biographie, le roman a le pouvoir de plonger au cœur du mentir-vrai de la création littéraire. Comme le chat qui lèche et couture de salive chaque poil de chaque morceau de son corps, sur la trame du déjà-tout-fait, sur le canevas de la réalité, nous assistons aux joyeux mensonges d’une langue mouillée de non-savoir. Car c’est là que se passe la création littéraire, au sein du non-savoir, à la strate la plus profonde, ce point intime et ultime de l’étincelle et sa mise à mots. Le long et allègre processus de la mise à mort du néant, même si le créateur l’a « oublié », le roman seul a le pouvoir de le saisir et de l’élaborer. À cet égard, j’adhère totalement à l’opinion de Broch et de Kundera : « la raison d’être du roman est de dire ce que lui seul peut dire. » Ce petit quelque chose qui fait qu’on y croit. Qui touche à l’intime de l’être.


Le(s) paysage(s) dominent la livraison de mars. Paysages en peinture, paysages urbains d’outre-tombe, paysages de l’insomnie...

Michel Voiturier nous invite à feuilleter le paysage urbain en littérature belge actuelle, de Bruxelles à Lisbonne, de Charleroi à Prague et d’Anvers à Rome. Parmi les nombreux écrivains cités, nous croisons entre autres Jean-Baptiste Baronian, Pierre Loze, Jean-Pierre Verheggen, Jacques-Gérard Linze, Werner Lambersy et, bien sûr, Guy Vaes.

Le simple prononcé de noms de lieux fascine Pierre Guérande, qui y consacre, sous un titre emprunté à un poème de Victor Hugo, une belle étude : « Tout reposait dans Ur et Jerimadeh ».

Quand le nom seul tient déjà lieu de paysage...

Dépaysement, exotisme, ésotérisme, appropriation et revendication, Paul Neuhuys pratiquait avec délice cette technique de la sérialisation rhétorique en énumérant et mettant en scène les noms savants et communs des fleurs dans ses poèmes d’Uphysaulune.

Francophonie vivante, revue trimestrielle, 80 p., ill. Abonnement annuel : 25 € - Étranger : 28 €.

Le montant de l’abonnement doit être viré au compte 000-0077863-69 ou IBAN BE 71 0000 07786369 BICBPOTBEB 1 de l’Association Charles Plisnier, rue Joseph II, 18, B 1000 Bruxelles.

Prix de vente au numéro : 10 € - Étranger : 13 € (frais de port inclus).

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