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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 19:12


Eddy du Perron (1899-1940), écrivain d'une stature internationale né aux Indes néerlandaises; séjourna pendant quelques années, entre 1926 et 1932, au château de Gistoux qu'il évoquera dans son ouvrage majeur, Het land van herkomst (traduction française: Le pays d'origine, Paris, Gallimard, 1980). Pascal Pia lui rendit visite en 1927. Il lui adressera le poème suivant:

De Gistoux si j'étais le maître,


J'entretiendrais vingt compagnons:

On regarderait les veaux paître,

On chercherait des champignons,

On entendrait des philosophes;

Puis quelques dames théosophes

Embelliraient notre souper.


J'aurais, de papa, l'ectoplasme

Déposé comme un cataplasme

Sur le rebord du canapé.

Les armoires seraient hantées,

Le parquet craquerait souvent,

Les dames seraient éhontées;

Les philosophes, décevant

Les espoirs universitaires,

Tiendraient, dans leurs barbes austères,

Des propos, de sens dépourvus.

On parlerait de fouterie,

De nèfles, de menuiserie;


On se noierait dans l'imprévu.

Des discours bannissant l'emphase,

Pour ne point sentir l'avocat,

On composerait mal ses phrases,


On avalerait l'avocat

En même temps que ses syllabes.

On aurait des chevaux arabes

Et des juments de percherons

Qu'on prendrait en photographie

Après leur avoir lu Sophie

Arnould et le Décameron.


Commentant ce poème cité par Du Perron dans une lettre du 30 août 1930, Kees Snoek, le biographe de Du Perron (Kees SNOEK, E. du Perron, het leven van een smalle mens, Amsterdam, Nijgh & Van Ditmar, 2005, 1245 p.), nous apprend qu'il est né de l'histoire qu'avait racontée Du Perron à Pia concernant une voyante dont le talent avait produit une vive impression à Gistoux. L'avocat dont il est question se réfère aussi bien à la profession qu'à la liqueur à base de jaune d'œuf qui porte ce nom aux Pays-Bas et en Belgique flamande. C'était l'alcool préféré de la mère d'Eddy, Marie Mina Madeline du Perron-Bédier de Prairie. Pascal Pia parle dans une lettre de la fantaisie et de la liberté d'expression qui étaient habituelles dans l'entourage de Du Perron. Il fait état de la poésie libertine ou franchement pornographique qu'Eddy aimait écrire pour amuser ses amis, comme par exemple ses « Stanza's voor Sofie » (« Strophes pour Sophie »), auxquelles Pia semble faire allusion dans l'avant-dernier vers de son poème. 

Je me permettrai toutefois de suggérer que Pia fait ici bel et bien état de la cantatrice et actrice Sophie Arnould (1740-1802), célèbre par son esprit remarquable et ses bons mots, dont Albéric Deville a fait un recueil: Arnoldiana, ou Sophie Arnould et ses Contemporaines. Recueil choisi d'Anecdotes piquantes, de Réparties et de bons Mots de Mlle Arnould; précédé d'une Notice sur sa Vie et sur l'Académie impériale de Musique (1813); les frères Edmond et Jules de Goncourt l'utilisèrent largement pour leur livre Sophie Arnould : d'après sa correspondance et ses mémoires inédits (1893).

*

Le château de Gistoux fut en effet, pendant quelques années, une plaque tournante, un lieu de rencontre entre les éléments avancés de la littérature française et néerlandaise, tout comme la Taverne du Passage (Cf. Saskia DE BODT et Frank HELLEMANS, Taverne du Passage. Nederlandse schilders en schrijvers in België, Rekkem, Ons Erfdeel, 2006, 123 p.) Du Perron reçut à Gistoux le gratin des écrivains néerlandais de l'époque: Rein Blijstra, Menno ter Braak, Anthonie Donker, Jan Greshoff, Hendrik Marsman, Adriaan Roland Holst, Jan Slauerhoff, Simon Vestdijk, Constant van Wessem ainsi que le poète flamand Jan van Nijlen, sans oublier, bien sûr Franz Hellens et Paul Méral, ce Casanova sans scrupules, pittoresque aventurier des lettres évoqué par Hellens dans son roman Moreldieu (1946) sous le nom de Morel (Hellens se met en scène sous le nom de Genevoix, Du Perron y figure sous les traits de Le Breton). Et sans oublier non plus Carl Willink, peintre constructiviste avant de s'affirmer tête de file du réalisme magique néerlandais. Tous ces personnages figurent dans: Eddy Du Perron. Un écrivain néerlandais à Gistoux dans l'entre-deux-guerres, publication exemplaire du Cercle Historique de Chaumont-Gistoux.

Kees Snoek, professeur de langue et civilisation néerlandaises à la Sorbonne et Philippe Noble, directeur du Réseau Franco-Néerlandais de l'enseignement et de la recherche au pôle universitaire de Lille Nord/Pas-de-Calais, ont collaboré à cet ouvrage; Felice Dassetto, professeur émérite à l'UCL et Geneviève Hermant, en collaboration avec Monique et Maurice Jamar, les actuels propriétaires du château, évoquent avec précision la mémoire de Du Perron à Gistoux; quant à Francette Masset, elle évoque les amis de Du Perron à Gistoux. Signalons enfin l'interview combien révélatrice de Jan Grootaers (°1921), ancien professeur à la faculté de Théologie de la KULeuven, dans laquelle il souligne combien Du Perron a aidé, à maints égards, sa génération à se détacher du poids des traditions et des institutions.

Henri-Floris JESPERS


Felice DASSETTO et Geneviève HERMANT (eds), Eddy du Perron. Un écrivain néerlandais à Gistoux dans l'entre-deux-guerres, Actuel / Cercle Historique de Chaumont-Gistoux, 2008, 114 p., ill., ISBN: 978-2-87302-065-1.

Cercle Historique de Chaumint-Gistoux, rue d'Inchebroux, 2, B 1325 Chaumont-Gistoux.


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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 16:24

À l'invitation de la Lanterne sourde, Paul Neuhuys fit le 28 octobre 1929, à la Maison des Artistes, 19, Grand' Place à Bruxelles, une conférence sur 'Max Elskamp ou La poésie est un jeu dangereux'. Ce n'était pas la première fois qu'il occupait cette tribune.

De retour d'Egypte, Paul Vanderborght l'avait relancé:

Je vous demande donc de ne pas oublier la promesse que vous m'avez faite de consacrer une conférence jeune et vivante, digne de vous et du poète anversois, à Max Elskamp. Seriez-vous prêt pour le début de Novembre? Faites un petit effort et donnez-moi la joie de vous présenter, une fois de plus, à un public avec lequel j'ai moi-même perdu contact.


Ce fut à cette occasion que Neuhuys prit contact avec l'éminent folkloriste Émile Van Heurck, membre avec Elskamp et Edmond de Bruyn du Conservatoire de la Tradition populaire, précurseur du Musée du Folklore à Anvers, qui lui adressa une lettre dont deux extraits méritent assurément d'être cités:

Elskamp ne se déplaçait guère. Il avait l'imagination vive et parlait d'abondance de ses longs voyages en mer et de son commerce avec les marins. Mais il n'avait pas été beaucoup plus loin que Paris et je crois qu'il n'avait vu de la mer que ce que nous voyons quand nous sommes au littoral ou quand, par un beau dimanche d'été, nous allons jusqu'à Flessingue.

[…]

Hélas, aujourd'hui Max Elskamp est bien oublié de ses amis d'Anvers et d'ailleurs. Il achève dans une cruelle solitude sa lamentable vieillesse. Mais gardez-vous d'attribuer à la poésie ou au surmenage le mal impardonnable dont il souffre dans son cerveau et dans sa chair. J'en connais depuis de bien longues années l'origine et, croyez-le, la poésie ni le surmenage n'ont rien à y voir.



La conférence de Neuhuys sera annoncée dans le quotidien bruxellois Le Soir du 28 octobre 1929:

Le grand poète mystique et ingénu Max Elskamp est, on le sait, malade depuis quelques années déjà. Les jeunes écrivains, toutefois, ne l'oublient pas et lui consacrent un culte particulier. Lundi, à la Maison des Artistes, Grand'Place, le jeune poète anversois, Paul Neuhuys évoquera la figure de ce maître aux allures médiévales, et synthétisera son œuvre.


Selon le même journal, la séance de La Lanterne sourde connut 'le plus vif des succès'. Paul Neuhuys 'parla de son maître et ami, avec une émotion de choix et dans une forme des plus pures'.8 Mais il ne tint pas compte de l'injonction de Van Heurck de ne pas attribuer à la poésie ou au surmenage le mal d'Elskamp, comme en témoigne le compte-rendu paru dans l'hebdomadaire Pourquoi Pas?:

C'est Paul Neuhuys, poète curieux, fantaisiste, au jeu mesuré, qui s'était chargé d'évoquer l'œuvre d'Elskamp, une page combien émouvante de la poésie. Et quelle chose atroce que de penser que le maître d'Anvers, bien malade, moralement atteint, est aujourd'hui incurable! Les paroles de Neuhuys ont résonné dans un silence poignant. L'esprit du maître s'est élevé trop haut, dans un ciel trop ouvert. Il est retombé sur le sol. La poésie est un jeu dangereux. Elskamp avait écrit: Nous n'irons plus au ciel / Nos ailes sont coupées... Il faut louer Paul Neuhuys et maints poètes jeunes de chez nous d'avoir, eux aussi, voué à Max Elskamp un culte si fervent.


Toute sa vie, Neuhuys est resté fasciné par Elskamp, le 'maître mystérieux' qui l'a poussé 'sur l'épineux sentier poétique'.

Henri-Floris JESPERS

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26 mars 2009 4 26 /03 /mars /2009 23:12



Luc & Thierry Neuhuys:


'Vertaler, verrader? Over het vertalen van poëzie'


Mercredi 1er avril, Cercle ExLibris, Taverne Rochus, Sint-Rochusstraat 67 à 2100 Deurne.


La conférence commence à 21 h

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15 janvier 2009 4 15 /01 /janvier /2009 23:30

Un dictionnaire est un gardien de l’ordre

où viennent s’acoquiner alphabétiquement

Hécate au triple visage avec Hermès trismégiste

 

Je l’ai connue pouliche qui entre en fougue pour devenir fusée à la limite de la désintégration

 

L’hétaïre est une thérapie

 

Selon elle il n’existe que trois genres d’homme :

L’inébranlable, l’ébranlable et le branlable

 

L’utricule de la prostate appelle la prostitution utérine

 

Il dirigeait une entreprise de lessivage par la poésie populaire

 

Avoir une haute idée de la femme ? C’est l’escorter partout sans la conduire nulle part

 

N’oublions pas que le Grand Meaulnes fut précédé par le Petit Chose

 

Pas d’humanité sans animalité

 

Les hommes sont de bonne volonté quand les femmes sont de bonne humeur

 

Poubelle est un nom propre, candidat posthume au prix Nobel

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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 00:02

Le troisième recueil de Gobron, Instants, dédié à Caprine Carême (née Andrée Gobron) ; parut en 1984. Ce sera le dernier à être illustré par son mari. Sorti des presses de la célèbre imprimerie Sainte-Catherine à Bruges en septembre 1984, ce recueil réunit près de quatre-vingt poèmes. Mis à part les quelques signalements bienveillants publiés dans les revues et revuettes que seul les poètes lisent, ce seront de nouveau quelques témoignages personnels qui enchanteront Marie-Jo.  

Jeanine Moulin (1912-1998), exégète perspicace et érudite de Nerval et d’Apollinaire, relève la ‘fraîcheur de l’inspiration et la robustesse du style’ de la poésie de Gobron, ‘un don de l’image tout à fait exceptionnel’ et épingle quelques poèmes ‘d’une incontestable originalité’.1

Le poète Pierre Menanteau (1895-1992), avec qui Marie-Jo partage l’amour des animaux, constate que si les poèmes de Gobron sont courts, ils n’en sont pas moins chargés de sens et évoquent des instants d’éveil.2

Lucienne Desnoues (1921-2004) lui écrit une longue lettre :

...nous avons des passions en commun : l’amour, les arbres, le végétal, l’eau, les mots, les notations sensorielles. Vous parlez de la pluie comme personne et cela donne à votre travail une fluidité frisonnante, une espèce de longue allégresse en larmes.

Vos instants sont pleins de petites trésors qu’on regarde briller avec reconnaissance. Vous ne laissez pas passer la vie sans la piller.

Vous ne regardez pas passer le temps sans vertige, mais vous avez toujours des sursauts courageux, enthousiastes, sensuels qui sont bien d’une femme, et d’une terrienne, et se traduisent avec une prestesse, des couleurs, des trouvailles qui me ravissent.3

Marie-Jo Gobron soumet un nouveau recueil aux éditions Saint Germain des Prés à Paris. Le comité de lecture émet un avis favorable :

Cet auteur, qui a compté parmi les familiers de Maurice Carême dont nous avons publié certaines poésies, nous livre ici des poèmes pétris comme des tailles douces, brefs, forts et drus. L’intelligence n’y écarte jamais la sensibilité et l’intuition.

La culture, de même, fait bon ménage avec l’instinct. IL y a aussi un ‘accent’ particulier, un style d’une belle efficacité, une invention, une imagerie tout à fait originales. On décèle, ici et là, un zeste de classicisme vite absous par la modernité de la pensée.

Michel Breton annonce à Marie-Jo Gobron que son recueil Paysage intérieur est retenu pour la collection ‘À l’écoute des Sources’, ‘destinée à accueillir les nouveaux écrivains d’aujourd’hui’.4

Paysage intérieur réunit quarante-cinq poèmes et paraît en été 1990. La quatrième de couverture fait état de

poèmes pétris comme des tailles douces, brefs, forts et drus. [...] Le poète travaille dans le creuset de ses sensations. La nature et ses sortilèges l’illuminent, nourrissant un atelier de métaphores qui disent le quotidien dans tous ses états, sereins ou inquiétants, pour mieux enchanter le réel.

Ce fut à l’occasion de la parution de Paysage intérieur que je publiai un essai consacré à l’œuvre de Marie-Jo Gobron, avec qui j’étais en correspondance et que j’avais rencontrée à Bruges peu après la parution du recueil, lors d’une visite à la librarie d’Arthur van de Velde, érudit inoubliable et passablement excentrique (‘Een sterke stem’, in Diogenes, juli-augustus 1991, pp. 85-87, à télécharger sur www.mariejogobron.com)

Henri-Floris JESPERS

(à suivre)

 

1Lettre de Jeanine Moulin à MJG, Bruxelles, le 29 décembre 1984. Coll. privée.

2 Lettre de Pierre Menanteau à MJG,. Issy-les-Moulineaux,  le 26 novembre 1984. Coll. privée.

3 Lettre de Lucienne Desnoues à MJG,. Montjustin,  le 25 janvier 1985. Coll. privée.

4 Lettre de Michel Breton à MJG,. Paris,  le 22 avril 1987. Coll. privée.

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12 janvier 2009 1 12 /01 /janvier /2009 23:35

Parmi les articles consacrés au second recueil  de Marie-Jo Gobron, De visage à visage (1961), celui de Marie-Claire d’Orbaix (1920-1990) – une pleine page avec photo dans Le Journal des Poètes – est sans conteste le plus important en termes de reconnaissance par l’institution littéraire. 

Qu’elle est éprise de liberté, Marie-Jo Gobron l’affirme jusque dans son écriture. D’aucuns le lui reprocheront peut-être, heurtés par certaines rudesses de ton, telle impertinence, mais n’est-elle pas sympathique, cette audace d’être soi-même, avec les dangers que cela représente ?

Ivre de joie, de vie, de crainte, le poète le crie : voici une voix qui n’admet pas de sourdine, voici des textes sans fadeur, sans artifices, mais non sans art. Marie-Jo Gobron sait créer une musique suggestive ; et soit à cause de son ascendance flamande, soit parce qu’elle est la compagne d’un peintre, elle possède le don de la couleur, du mouvement, de l’image. [...]

Parfois, elle endigue son élan, elle s’accomode des règles de la métrique et nous offre des strophes graves [...] Mais Marie-Jo Gobron nous paraît plus à l’aise dans une forme moins contrôlée, plus spontanée.[...]

Parlerons-nous d’influences, de réminiscences ? Pourquoi ? Nous en sommes tous pétris. Ce qui compte c’est qu’au-delà d’elles, une voix s’impose bien reconnaissable parce que d’un poète authentique.1

De Visage à Visage est signalé par Robert-Lucien Geeraert (1925-1984) dans La Revue nationale (février 1962) :

Poésie de Flamande [...] qui s‘ouvre à tout ce qui est fort et dru, pur et primitif. Poésie qui continue celle de Verhaeren, en l’assouplissant, en l’élaguant, qui offre, avec celles d’Andrée Sodenkamp et de Liliane Wouters, le plus fidèle reflet de notre Belgique poétique – puisque notre pays, pour l’étranger, c’est la Flandre. De la comptine à l’incantation, c’est un roulement de poésie spontanée, musicale et colorée, sur lequel dansent les saisons et les pensers.

Andrée Sodenkamp (1906-2004), malade, lui adresse une lettre poignante :

Je suis heureuse de vous voir enfin prendre place où vous aviez droit.

Vous êtes un magnifique poète. Il y a chez vous de la force magnifique, une puissance flamande – une robustesse à souffrir, [...] un regard intelligent pour la mesure.2

Est-il téméraire de supposer que Marie-Jo Gobron fut surtout sensible au courrier que lui valut son second recueil ?

Épistolier laconique, Paul Neuhuys note :

Votre poésie me rappelle le gai pays flamand qu’un ciel livide menace d’orage : Enfant promis, Décalcomanie, j’aime cette poésie surtout lorsqu’elle ‘cerne d’un jeu serré les faux de l’été’ comme une sœur qu’entre mes bras je viens de retrouver...3

 ‘Ah ! la belle et tonique poésie’, s’élance Norge :

On caresse des crinières de cavales fouettées de grandes bises et emportées dans des galops qui parfois touchent les cimes.

Mais un courant de vie intérieure mue parfois ce lyrisme en fervente statue.4

Hélène Cadou (°1922) , poète et bibliothécaire à Orléans où elle travailla avec Georges Bataille, souligne :

Les poètes sont une famille et leurs poèmes comme des visages se répondent. J’ai lu, j’ai vu les vôtres avec beaucoup de bonheur. Ils ont l’équilibre des plaines, l’ouverture des fenêtres sur un grand ciel.5

Franz Hellens (1881-1972) a lu le nouveau recueil de Gobron avec plaisir :

Il contient maints morceaux de belle inspiration et de forme pleine ; les poèmes de métrique classique m’ont paru les meilleurs. Vous servant de cette forme de base, vous avez su renouveler la nature par des images inattendues et une sensibilité poétique d’une rare vigueur.6

En remerciement de son ‘beau livre’ où il trouve ‘à chaque page, à chaque poème, une vraie sensibilité poétique’, Pierre Albert-Birot (1876-1967), figure emblématique de l’avant-garde historique, adresse à Gobron un exemplaire de Poèmes à l’autre moi (1954), orné d’un bel envoi daté du 23 novembre 1961.

Le poète Henri Cornélus (1913-1983) ne cache pas son admiration :

C’est beau, c’est dense, c’est vertébré, c’est très viril et très féminin à la fois, ça grouille de trouvailles verbales, ça allie – est-ce que je me trompe ? – la douceur de la Meuse à la force de l’Escaut. Êtes-vous wallonne, êtes-vous flamande, avez-vous mélangé les deux courants ? Je n’en sais rien ; quoi qu’il en soit, le ‘résultat’, votre recueil, est extrêmement heureux. Dans l’assez morne production des tâcherons belges du vers, vous faites jaillir du feu et des fontaines, et je vous en suis infiniment reconnaissant. Puis, tout comme je l’ai, vous avez, très profond dans votre cœur, cette admiration pour Federico García Lorca qui vous a inspiré quelques beaux vers. [...]

Peut-être savez-vous que je passe pour avoir la dent dure et la plume acérée, pour n’avoir pas, aussi, l’admiration facile. Sans doute est-ce parce que je ne bêle pas de joie si un alexandrin se trouve avoir heureusement douze pieds ! Quoi qu’on en pense, il ne suffit pas de savoir compter pour être poète ! Et vous, vous êtes de ceux, vous êtes des rares ‘celles’ qui le sont jusqu’aux fibres : j’en mettrais ma main au feu !7

Tout comme Georges Mounin, Cornélus ne se contente pas d’exprimer ses louanges, mais consacre également une partie de sa longue missive à des considérations critiques et techniques bien concrètes. Rappelons ici, antidote à l’amnésie collective, que Cornélus est l’auteur de Kufa (Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1954 ; trad. néerlandaise, Anvers, Ontwikkeling, 1955), l’un des rares romans ‘coloniaux’ (avec ceux d’Égide Straven) qui méritent d’être tirés de l’oubli. Dénonçant les violences du système colonial, ce roman brisa la carrière d’enseignant de Cornélus.

Fidèle à son œuvre romanesque, Louis Dubrau (pseud. de Louise Scheidt, 1904-1997) apprécie tout particulièrement chez Gobron une

émotion toute intérieure qui ne doit rien à ce sentimentalisme à fleur de chair qu’on s’accorde à vouloir féminin.8

Henri-Floris JESPERS

(à suivre)

1 Marie-Claire D’ORBAIX, Marie-Jo Gobron, « attentive au monde qui va naître », in Le Journal des Poètes, janvier 1961.

2 Lettre d’Andrée Sodenkamp à MJG, non datée. Coll. privée.

3 Lettre de Paul Neuhuys à MJG, le 22 juillet 1961. Coll. privée.

4 Lettre de Norge à MJG, le 18 octobre 1961. Coll. privée.

5 Lettre d’ Hélène Cadou à MJG, Orléans, le 12 novembre 1961. Coll. privée.

6 Lettre de Franz Hellens à MJG, La Celle St Cloud, le 15 novembre 1961. Coll. privée.

7 Lettre d’Henri Cornélus à MJG, Bruxelles, le 26 novembre 1961. Coll. privée.

8 Lettre de Louis Dubrau à MJG, Bruxelles, le 11 décembre 1961. Coll. privée.

 

La Pomme, collage de Marie-Jo Gobron

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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 07:16

C’est au sortir d’une discussion au Cercle Wyseur entre défenseurs de la poésie classique et ‘vers-libristes’ que Marie-Jo Gobron, lauréate du Prix Marcel Wyseur, est interviewée en 1951 par Claude Vidal. Son poéte préféré ? Villon. Suivi, dans l’ordre, d’Apollinaire, de Verlaine et, ‘parmi les contemporains’, d’Henri Michaux.

Et n’oublions pas Verhaeren. Je me sens très proche de lui, peut-être tout simplement parce qu’il est Flamand.1

Lors du déjeuner offert par l’Association des Écrivains belges aux lauréats du Prix Hubert Krains2, Armand Bernier souligne dans son allocution que les poèmes de Gobron  sont ‘avant tout des poèmes passionnés, le mot passion étant pris dans son sens le plus vaste’.

 

Si je devais chercher à Marie-Jo Gobron des ancêtres (car nous en avons tous, n’est-ce pas et il n’y a que les orgueilleux qui se réclament de la génération spontanée), je songerais à Anna de Noailles pour le fond et à Emile Verhaeren pour la forme. 3

 

Marie-Jo Gobron n’assiste pas au déjeuner : ce 23 janvier 1954, son fils Jean-Noël est baptisé à Eeklo.

 

Houles (1955)

Le premier recueil de Marie-Jo Gobron, Houles (1955), une quarantaine de poèmes illustrés par Roger Gobron et préfacé par Maurice Carême, est fort bien accueilli. Le Soir lui consacre deux articles. Armand Bernier (le 11 janvier 1956)  y qualifie Gobron de ‘poétesse de fougue et d’accent, aux images en reliëf’ et souligne ‘sa veine d’exaltation dionysiaque, qui semble le fond de son tempérament’ :

On la dirait toujours portée par l’ivresse. C’est, dit-elle, possédée de houle et pareille au bélier, que je fonce à travers la vie.

Marcel Lobet quant à lui situe (le 25 janvier 1956)  la poésie de Gobron dans un unanimisme sans rivages :

Cette fougue panthéiste, cette participation au Grand Tout, donne au présent recueil un mouvement quasi cosmique. [...] L’unanimisme, qui est communion avec les hommes, s’élargit ici jusqu’au domaine des choses. Le poète cherche la conformité avec le réel au point de vouloir éprouver la forme et la saveur des ‘objets inanimés’. [...] Les images vernales, marines, pastorales se succèdent dans une chevauchée panique qui finit par ‘apprivoiser les jours, dans un rythme de fraternité universelle.

Marie-Jo Gobron fut surtout sensible aux réactions personnelles, plus discrètes certes, mais non moins significatives.

Paul Neuhuys (1897-1984) constate :

Il y a là un vrai tempérament de poète porté vers un lyrisme élémentaire qui m’ enchante. 4

Protégé d’Anna de Noailles et de Henri de Régnier entre autres, prix Verhaeren, Noël Ruet (1898-1965) lui confie :

Quand le facteur m’apporte des recueils de vers, je suis maintenant inquiet. Je m’impose leur lecture et je suis neuf fois sur dix attristé, irrité. Que de toc ! Cette fois, avec vous, c’est le don, c’est le cœur, c’est la force, c’est l’effusion, c’est la manière de chanter avec sa voix, sa particulière voix, les sentiments éternels, les sentiments de tout le monde. 5

Le même jour, Norge (1898-1990) lui écrit :

Le ciel de Provence tout bleu aujourd’hui, m’entre droit au cœur quand je découvre un nouveau poète, un vrai poète.

J’aime cette force, féminine certes, et qui se donne franchement pour telle – où la sève et le fruit des saisons (celles du temps, celles des sentiments) sont si ardemment présents ! 6

Gérard Prévot, un des grands auteurs fantastiques belges et lecteur chez Gallimard, est péremptoire :

Il me semble que votre voie est du côté de l’orage. Allez-y. On meurt plus sûrement d’une tiédeur que d’une brûlure. 7

Du linguiste et sémiologue Georges Mounin (1910-1993), Marie-Jo reçoit une longue lettre, leçon concrète de poétique d’un intérêt majeur qu’il serait toutefois trop long d’approfondir ici.

Naturellement, je ne prétends pas avoir raison : je vous donne le journal de ma lecture, une lecture amicale, sans raideur. [...] Ma lecture et ses réactions n’ont d’intérêt que si elles rencontrent certaines de vos inquiétudes, ou de vos insatisfactions. Je souhaite au moins que ma lettre vous ait prouvé que je vous ai lue [...].8

 Paul Hellyn (1923-1978), directeur du Musée belge de la Parole, est péremptoire:

Décidément la Belgique compte trois ou quatre grandes poétesses dont vous êtes. Lire une œuvre comme la vôtre, c’est se tremper dans une participation cosmique qui, à mon sens, est un des pouvoirs magiques primordiaux de l’authentique création artistique. 9

Trois écrivains flamands ne tarissent pas d’éloges : Julia Tulkens (1902-1995), la première poète flamande à écrire ouvertement sur la sexualité féminine ce qui in illo tempore fit un beau scandale ; l’influent critique André Demedts (1906-1992), qui lui consacre une chronique dans Het Nieuwsblad ; et le romancier Johan Daisne (1912-1978), le promoteur du ‘réalisme magique’ et adversaire déclaré de la poésie dite ‘expérimentale’, qui s’écrie :

Quel message magnifiant, ce coup d’archet qui est en même temps un splendide coup de balai dans l’art ordurier de nos jours.10

Henri-Floris JESPERS

(à suivre)

 

1 Claude VIAL, Marie-Jo Gobron, lauréate du Prix Wyseur, in La Flandre libérale, 22 septembre 1951.

2 Le jury du prix de poésie Hubert Krains 1953 était composé de Thomas Braun (président), Edmond Vandercammen, Armand Bernier, Maurice Carême et Géo Libbrecht.

Les jurés du prix de prose (Gustave Charlier, président, Pierre Nothomb, Robert Vivier, Max Deauville et Émile Terwagne) couronnent Hélène Beer (1914-1975) pour son roman Les enfants de Judith, qui paraîtra en 1957 (Paris, Plon). Internée pendant quelques mois au camp de rassemblement de Malines, Hélène Beer-Horowicz échappera à la déportation. Libérée en avril 1944, elle relate sa vie au camp dans Salle 1 (Bruxelles, Charles Dessart, s.d. [1946], 337 p.). Elle sera directrice des Amis belges de l’Université hébraïque de Jérusalem.

3 Texte de l’allocution de Bernier communiqué par Marie-Jo Gobron à HFJ, 1991.

4 Lettre de Paul Neuhuys à MJG, Anvers, le 12 janvier 1956. Coll. privée.

5 Lettre de Noël Ruet à MJG, Paris, le 22 décembre 1955. Coll. Coll. privée.

6 Lettre de Norge à MJG, St Paul (A.M.), le 22 décembre 1955. Coll. Coll. privée.

7 Lettre de Gérard Prévot à MJG, Paris, le 18 février 1956. Coll. Coll. privée.

8 Lettre de Georges Mounin à MJG, Aix-en-Provence, le 14 février 1956. Coll. Coll. privée.

9 Lettre de Paul Hellyn à MJG, Bruxelles, le 26 décembre 1958. Coll. Coll. privée.

10 Lettre de Johan Daisne à MJG, Gand, décembre 1955. Coll. Coll. privée.

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7 janvier 2009 3 07 /01 /janvier /2009 22:10


Le cinéaste Jean-Noël Gobron m’annonce le décès de sa mère, la poétesse et collagiste Marie-Jo Gobron (1 mars 1916 – 3 novembre 2008).

Préfaçant Houles (1955), le premier recueil de Marie-Jo Gobron, dont le manuscrit avait emporté le Prix Hubert Krains en 1953, Maurice Carême définit l’auteur comme une force de la nature.

Comme chez tous les poètes que nous a donnés sa Flandre natale [...] réalisme et mysticisme se conjuguent étroitement chez Marie-Jo Gobron pour atteindre une sorte de magie verbale qui ne doit sa vertu explosive qu’à sa fière indépendance.

Cette indépendance, Marie-Jo Gobron la revendiqua et l’affirma dans son œuvre – et dans sa vie.  – Elle naît en pleine guerre, le 1er mars 1916, dans une ferme de Roesbrugge-Haringe où ses parents s’étaient réfugiés. À Poperinghe, en Flandre-Occidentale, où se situe la briqueterie de son père, elle connaît une enfance merveilleuse.

Mon pays vallonné, argileux et fleuri de houblon devint mon plus bel héritage. J’y goûtai toutes les joies de la liberté; une liberté presque outrancière lorsque je me remémore nos prairies, nos vergers, nos jardins, la cour de l’usine et tout ce qui était au-delà et que je m’adjugeai.

La crise des années trente provoque une déchirure. Les parents de la jeune Marie-Jo, Firmin Coevoet (1884–1971) et Marceline Camerlynck (1884-1963), perdent la majeure partie de leur fortune et sont forcés de vendre leur propriété pour se fixer dans une maison bordant les quais de Bruges.

Coupée des grands espaces, Marie-Jo devient de son propre aveu une ‘dévorante’. Revendiquer, consommer et consumer, englober et engloutir, assimiler et accaparer, transposer et transformer, délimiter voire détruire pour mieux reconstituer et réintégrer un paradis perdu.

         En 1942 Marie-Jo, alors âgée de 26 ans, tombe amoureuse du peintre Roger Gobron (Saint-Josse-ten-Noode, 1899 - Bruges, 1985). Néanmoins Roger maintient en même temps sa liaison avec Fabienne Roman (1909-1990), qui est son modèle depuis quatre ans.

En 1944 Marie-Jo, Roger et Fabienne décident de vivre ensemble. Ils se retirent au village d’Oost-Eeklo, en Flandre-Orientale.

En 1946 Marie-Jo et Roger finissent par se marier et s’installent, en compagnie de Fabienne, à Eeklo.

Par son mariage, Marie-Jo devient la belle-sœur de Maurice Carême (1899-1978) :

Maître sévère et patient, il m’explique ce qu’est la transposition et m’initie à l’art poétique. Des réunions, avec d’autres poètes chez lui, seront des confrontations hautement bénéfiques, et après une période de tâtonnements, je commence à voler de mes propres ailes.

Violoniste, Roger fait partie de la Symphonie d’Eeklo, fonde un quatuor à cordes ; expositions personnelles et collectives se succèdent, l’influent critique Jan Walravens signale son œuvre aux lecteurs du quotidien Het Laatste Nieuws (7 mai 1953).

Mon mari [...] est bon critique pour ce qui regarde ma poésie; il me trouve parfois un peu obscure (bien entendu, je ne suis pas d’accord). Nous discutons des parties de la nuit de peinture, de musique et de poésie, car pendant le jour je travaille.

Jean-Noël, l’unique enfant de Marie-Jo et Roger, naît en 1954. Marie-Jo travaille à l’extérieur en tant qu’infirmière visiteuse au dispensaire anti-tuberculeux d’Eeklo, desservant 24 communes. Fabienne s’occupe du garçon. Le ménage à trois fonctionne sans hypocrisie. La famille non-conformiste, toujours en compagnie de Fabienne, déménagera à Bruges en 1962.

En 1961, Marie-Jo Gobron publie son second recueil, De visage à visage et sept poèmes de sa main sont repris par Pierre-Louis Flouquet dans l’Anthologie de la troisième décade (Dilbeek, éditions de la Maison du Poète, 1961, pp. 237-241).

Le troisième recueil, Instants, est dédié à Caprine Carême (née Andrée Gobron); paru en 1984, ce sera le dernier à être illustré par son mari, qui décède l’année suivante. Un poème y est dédié à Akarova (la danseuse Marguerite Acarin, dite Akarova, 1904-1999)

 

La gloriette

 

Le rêve est en avance,

l’ignore l’œil endormi ;

seule une main le devance

et s’en saisit.

Je parfume de pin la gloriette,

J’alanguis l’atmosphère à souhait.

Nubile, une fille se balance,

Et la danse prend feu dans la nuit.

 

Dans ‘Ciel à huis clos’, dédié au poète Jan van der Hoeven et à sa femme Marguerite, Marie-Jo confesse :

J’attends le maître-mot

qui tendra tous les sens,

et rendra fou peut-être

l’esprit qui veut voir

s’humilier un astre et choir

jusqu’à n’être plus rien

sans nous qui l’auront vu étinceler

dans les cordages clandestins

de la pensée.

Ou encore :

Je plonge dans la bulle

des voyelles

et le poème éclate.

 

Bruits de tonnerre

des consonnes.

Levée des majuscules.

 

Parfum de lys

de la page

initiale.

 

Le poète et essayiste Jan van der Hoeven consacrera une belle étude à Marie-Jo Gobron, "une force de la nature" uit Vlaanderen (VWS-Cahiers nr. 131, Bibliotheek van de Westvlaamse Letteren, jg. 23, nr. 4, 1988).

Gobron écrit ex abundantia. ”Je ne réfléchis jamais à mes vers”, déclara-t-elle dans un entretien avec Claude Vial. ”Un chant monte en moi et je le note”. Cela aboutit souvent à la rationalisation d’images spontanées, nées du subconscient.

D’un recueil à l’autre, Marie-Jo Gobron, poète sensible mais intelligent, violent mais tendre, affermit et affirma son talent naturel : de Visage à visage (1961) à Instants (1984), jusqu’à ce poignant Paysage intérieur (1990) où elle évoque Sylvia Plath :

Sa solitude emplit le lien

essaye en vain de s’évader

mais silhouette à la fenêtre,

elle bloque la sortie et l’entrée

 

La tentation de citer est grande, et je n’y résiste pas :

Informe, minime

l’œil incandescent,

l’homme, revêtu de

sortilèges, s’interroge.

 

Le masque tombe.

L’angoisse raye le tain,

lézarde l’appui,

envahit l’espace

et se réfugie

sous la peau d’un chien.

...

Loupe insistante sur chaque lettre d’un grimoire,

Je défie, jusque dans ses replis,

Le masque d’où m’épie la mémoire.

 

Nul n’était sans savoir que Marie-Jo Gobron écrivait sporadiquement des poèmes en néerlandais, mais voilà qu’avec Onder de maretak (2001) elle réintègre résolument la langue de son enfance, prenant de plain-pied place parmi la pléiade des poétesses flamandes. « Poésie drue, directe, à hauteur de femme », notait Paul Neuhuys en 1965 à propos de Visage à visage, et cette caractérisation n’est certes pas démentie par cet unique recueil en néerlandais.

De 1998 à 1999 Marie-Jo Gobron collabore étroitement à l’établissement d'un catalogue raisonné des œuvres de son mari.

Malgré son âge avancé elle nourrit encore plusieurs projets littéraires. Elle commence l’écriture d'un second roman, entame son quatorzième recueil de poèmes, espère publier Mimi, son premier roman, ainsi que Souvenirs de Soupente, ouvrage regroupant une trentaine de nouvelles.

Huit recueils de poèmes sont demeurés inédits à ce jour.

En 2002, elle joue dans La Strada de Federico Fellini et Tulio Pinelli, dans une régie de Johanna Lesage et Dominique Berten, une production de la Koninklijke Toneelvereniging De Valk.

Depuis plusieurs années Marie-Jo réalisait des collages, qu’elle signait du nom de Marichou. Elle les exposa à Bruges, à la galerie d'art 't Leerhuys en 2001 et à la Mansarde en 2003 ainsi qu’à Mons, à l’Espace’Art Gallery en 2004.

Marie-Jo Gobron: Le grand chef

Henri-Floris JESPERS

(à suivre)

 

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 23:43

"Avant, j’aurais dit: la Belgique n’existe que dans l’imagination de quelques colonels et de leurs maîtresses. Personne à Anvers ne se sent belge, à part quelques artistes, qui aiment le côté indécis. On se sent donc Bruxellois, Wallon… Personnellement, j’ai une tendance: je me sens comme un flamingant francophone ! Toute ma jeunesse a été baignée par le souci d’avoir une patrie flamande. La question belge a aussi un côté loufoque: pourquoi chercher des ancêtres ? Ou bien ils sont là ou bien non. On ne peut pas les forger à partir d’un néant. Chez nous, avant la guerre, pendant la guerre, on a cherché désespérément des mythes, une histoire. Dès mon jeune âge, j’ai eu la conscience d’appartenir à une communauté, la Flandre, qui a un passé, alors que la Belgique n’a pas de passé. Alors ce pays a-t-il un avenir? La vraie question est: la planète a-t-elle un avenir? Je vous assure que je n’ai pas été élevé chez les Jésuites…"

Hugo CLAUS

(René ZAHND, Entretien avec Hugo Claus,

In : Le Passe Muraille (Lausanne), no 33, décembre 1997.)

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 22:47

Je ne chicanerai pas Mme Alfano sur des vétilles – trop nombreuses à mon sens ; je ne m’étendrai pas sur les coquilles : René Didischeim (p. 48), Kasimir Edchmid (p. 68), De Driehoeck (p. 104), Willy Konninckx (p. 132), Museum voor Schoone Kunsten (p. 147), Valéry Larbaud (pp. 113, 130 et 167 – mais est-ce bien une coquille... ?) –  bien qu’elles déparent une publication qui se veut le produit d’une recherche rigoureuse ; je n’insisterai pas sur les citations de deuxième ou de troisième main – bien qu’ainsi isolées elles ne reflètent pas toujours la démarche de l’auteur avec la fidélité exigée ; je ne m’occuperai pas de relever les formulations d’une naïveté navrante, les poncifs, les télescopages et autres broutilles.

À la limite, je pourrais considérer «  La Renaissance d’Occident, de Pierre Fontaine » (p. 92) comme un lapsus calami ... Mais ce n’est pas la seule revue que Mme Alfano ne semble connaître que par le biais de deux sources secondaires, dont l’une est d’ailleurs parfois sujette à caution.

À trop vouloir en dire, Mme Alfano s’embourbe dans son propos, que ce soit au sujet du symbolisme, des poètes modernistes, des Anciens, de la poésie traditionnelle et de l’air du temps (p. 89) ou, pire encore, dans son approche « des nombreux changements de mentalités que connut l’après-guerre sur le plan de l’unité de la nation belge » (pp. 96-97). Mais, hélas, quand elle est péremptoire, la proposition est sommaire (et ne résiste pas toujours à l’examen). Avancer qu’en Belgique « les années vingt ont connu un bouillonnement et un renouveau artistique plus marquant qu’en France ou en Allemagne » (p. 15) me semble une thèse pour le moins audacieuse...

À propos de « la touche de nouveauté et de modernité originale » que la Russie soviétique apporte dans les domaines artistiques et littéraires, Mme Alfano avance que « Les Lanterniers furent de véritables précurseurs dans l’intérêt porté à ce renouveau littéraire et artistique » (p. 63). Et de signaler en bas de page : « voir la lettre de félicitations de Trotsky en 1925 ». « C’est donc dès 1925 [...] que Pierre Bourgeois [...] s’attache plus particulièrement à la découverte et à l’accueil de la littérature russe contemporaine » (p. 64).

Dès 1925, c’est-à-dire cinq ans après les articles de Paul Manthy et Nico Bunt dans Ça ira, quatre ans après les publications d’Elie Ehrenbourg dans Signaux de France et de Belgique, trois ans après la publication du numéro de Lumière auquel Serge Essénine, Vladimir Maïakovski, Elie Ehrenbourg, Ossip Mandelstamm en Marina Tsvetaïeva collaborèrent.

Quant à la lettre attribuée par Mme Alfano à Trostky, elle est en fait de la main d’Anatoli Vassilievitch Lounatcharski, Commissaire soviétique à l’Instruction d’octobre 1917 à 1929 !

Voilà que me revient en mémoire un passage du journal de Paul Neuhuys : « Il est toujours gênant d’entendre parler les gens de ce qu’ils ne connaissent pas. »

Henri-Floris JESPERS

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