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9 novembre 2010 2 09 /11 /novembre /2010 06:40

 

Les amis in litteris sont sans doute les plus précieux, même si je ne les rencontre que sporadiquement. Il suffit de les lire pour qu'ils soient présents.

MANU.jpgGrâce à Kees (Cornelis) Snoek, professeur en Sorbonne et biographe d'Eddy du Perron (dédicataire de La condition humaine d'André Malraux), j'ai rencontré, il y a des années, Manu van der Aa, actuellement chercheur à l'Université d'Anvers.

Auteur d'une éblouissante biographie d'Alice Nahon (1896-1933), voici que Van der Aa s'attaque à celle de Paul-Gustave van Hecke (1887-1967), passeur littéraire et marchand d'art dont le rôle dans les années vingt fut incontournable.

C'est l'occasion de relire les poèmes de Pégé:

Miousic.jpgP.G. VAN HECKE, Miousic. 7 poèmes à la louange de la musique baroque. Ornés de sept dessins rehaussés au pochoir par Géo Navez, Bruxelles, éd. Sélection, 15 avril 1921, 45 pages. Imprimerie Sainte Catherine (Bruges). Edition originale, tiré a 100 exemplaires numérotés de 8 à 107 sur papier de Hollande, Van Gelder Zonen, numéro 55. 45p. 33x 23,5 cm. Broché. Les dessins sont coloriés.

Fraicheur.jpg

Paul-Gustave VAN HECKE, Fraîcheur de Paris, Bruxelles, Éditions 'Sélection', 1921, 39 p. Cinq dessins hors texte et seize ornements par Gustave De Smet. Imprimerie J.-E. Buschmann (Anvers). Edition originale, tiré à 200 exemplaires sur papier de Hollande van Gelder zonen.

Poemes.jpg

Paul Gustave VAN HECKE, Poèmes 1920-1923, Anvers, éditions Sélection, 16 juin 1924, 124 pages. Imprimerie Sainte Catherine (Bruges). Edition originale. Reliure cousue. Couverture dessinée par Gustave De Smet. Tiré à 500 exemplaires sur papier Featerweight numérotés de 1 à 500.

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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 05:27

 

Dans sa récente livraison, le Bulletin de la Fondation Ça ira s'est attaché à raviver la mémoire de deux évadés de l'oubli : les peintres anversois Jules Schmalzigaug et Marthe Donas.

En couverture : 'Le Tango', le remarquable dessin de Tour Donas paru en 1920 dans l'influente revue berlinoise Der Sturm.

caira.jpg

Jules Schmalzigaug (1882 – 1917) fut, en Belgique, le seul artiste qui ait effectivement vécu et assimilé les développements de l'avant-garde futuriste avant la Première Guerre mondiale. Marthe Donas (1885 – 1967), exposant ses peintures cubistes et abstraites en 1920 à la galerie Der Sturm à Berlin, fit figure de météore. Curieusement, les revues belges d'avant-garde des années vingt ont superbement ignoré ces deux pionniers anversois dont l'œuvre fulgurante ne fut redécouverte que dans la seconde moitié du XXe siècle, grâce aux efforts de quelques chercheurs éclairés parmi lesquels il convient de rendre particulièrement hommage à Phil Mertens (1928-1989) et à Maurits Bilcke (1913-1993).

Maria Elena Versari, particulièrement versée en histoire du futurisme, édite les lettres jusqu'ici demeurées inédites de Schmalzigaug à Umberto Boccioni (1882-1916). Cette publication exclusive par notre Bulletin est autorisée par le Getty Research Institute. Les missives révélatrices de Schmalzigaug témoignent non seulement de l'évolution artistique du peintre, mais également de la problématique du nationalisme et de l'internationalisme, tension présente dans toutes les avant-gardes historiques. C'est enfin un des aspects de la thèse de doctorat de Francis Mus, qui traite en profondeur des revues L'Art libre, Lumière et Ça ira.

*

Jean-Marie Aendekerk, un des animateurs de la Fondation Marthe Donas, étudie en détail quelques aspects de la carrière internationale de cette artiste; Henri-Floris Jespers esquisse les grandes lignes de la présence du peintre durant les années vingt en Belgique.

*

Dans sa monographie fondatrice consacrée à Schmalzigaug (1984) Phil Mertens souligne que le peintre ne s'était pas intégré à son propre milieu et avait créé une barrière entre lui et les autres artistes belges, par ses constantes absences de Belgique, et par sa vision plastique. C'est également valable pour Marthe Donas. Cette constatation explique partiellement le long silence qui a entouré leurs œuvres.

*

Dans la rubrique 'en bref' (dont l'intitulé ne doit pas être pris à la lettre...), la rédaction attire l'attention sur quelques publications récentes: un inédit de Henri Vernes, une réédition de Jean de Boschère, le nouveau roman de Nicole Verschoore, les éditions Venus d'ailleurs. À l'occasion de la publication de la monographie de Henri-Floris Jespers sur Gérard Van Bruaene, Guy Ciancia publie le texte d'une chanson inédite en l'honneur de 'Zérar le brocanteur'.

Henri-Floris JESPERS

Bulletin de la Fondation ça ira, nos 40-41, octobre 2010, 92 p., ill.

Coût de l'abonnement pour l'annéer 2010:

Membre adhérent : 25 €.

Institution: 35 €.

Membre protecteur: 50 €.

A verser au compte de la Fondation Ca ira:

Dexia banque – 068-2287225-89

Code IBAN: BE45 0682 2872 2589

Code BUC: GKCCBEBB

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 04:33

 

La mémoire de Georges Linze (1900-1993) me semble bien négligée. En 1969, dans Combat, Alain Bosquet (1919-1998) le qualifiait à juste titre de “poète méconnu”.

Il y aura bientôt quatre décennies, Paul Neuhuys (1897-1984) lui rendait hommage dans 'Apanage à ma poigne', un texte repris dans Mémoires à dada(1996).

 

Encore un nom qui se rattache pour moi à de très vieux souvenirs : Georges Linze. Des souvenirs qui remontent à un demi-siècle. Linze c’était Liège et son groupe d’Art moderne, Bourgeois c’était Bruxelles et son groupe l’Équerre comme Anvers c’était le groupe Ça Ira. Dans l’anthologie de la Lanterne sourde où nous figurions tous les trois, Bourgeois, Linze et moi, Bruxelles, Liège, Anvers se donnaient la main par-dessus nos dissensions régionales.

Si Linze dans sa revue Anthologie apparaissait comme un des tenants du futurisme, Bourgeois dans Sept Arts défendait plutôt le cubisme tandis que Ça Ira voyait dans Dada la première pilule atomique intérieure, la partie de ping-pong Pound-Picabia.

Linze était le champion du futurisme, le futurisme de Marinetti et du manifeste qu’il lance du haut de son avion aux habitants de Palerme : une machine est plus belle que la victoire de Samothrace ! Linze tient manifestement de Marinetti le goût du manifeste. Mais il y a chez Linze une qualité foncière, parfois même latente, tacite, muette, qui est indispensable en poésie, c’est l’enthousiasme.

Linze.jpg

Le mot enthousiasme nous vient directement du grec et signifie transport divin. Il fut introduit dans la langue française par la Pléiade vers 1555 : Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, Mignonne allons voir si la rose… C’était l’enthousiasme de la Pléiade, tandis qu’aujourd’hui le transport divin serait plutôt le tramway nommé Désir. Prendre son désir pour la réalité. Il y a de cela dans Linze. C’est une poésie de parti pris délibérément traversée par l’exaltation de la vie moderne et son impératif technologique : l’outil du travail, la machine. Existentialisme, foi dans l’absurde ? Non, au contraire, foi dans le merveilleux scientifique. L’absurde est affaire de banlieue planétaire et l’esprit chagrin ne participe pas à l’harmonie universelle. Les mains sales font l’usine propre. C’est l’enthousiasme de l’exactitude, du paysage inventorié, le pont millimétriquement exact jeté sur le dévergondage de la rivière. Capter le lyrisme d’une hélice.

La conquête de l’espace est-elle le résultat d’une atomisation déshumanisante ? Allons-nous vers une orientation collective grandissante et vers une poésie qui se fera avec l’irrévocabilité d’un calcul électronique ? Au point qu’on en arrive à préconiser le retour au rouet, le rouet d’Omphale, et que devant ce culte de la vitesse et les perspectives de la route meurtrière on est tenté de s’écrier : « Qu’on nous rende le chariot de Mérovée ! » et Le Règne de la lenteur si cher à Marcel Lecomte, et La Ralentie d’Henri Michaux qui a multiplié ses qualités par les hallucinogènes.

Mais Linze est là avec sa précision, sa concision, sa décision. Va-t-il substituer à l’homme sa propre création mécanique ? Mais non : « Les rues sortent de terre, les machines coulent de tes mains comme un trésor… » La maison est heureuse d’être une machine à habiter. La machine veut nous déshumaniser mais justement le grand mérite de Georges Linze c’est qu’il veut donner une âme à la machine et comme on disait naguère d’un cheval de race : « Quelle bête splendide ! », il dira d’une Lancia : « Quelle sublime soft machine ! »

S’il est des machines qui nous donnent froid dans le dos, il en est d’autres dont nous ne pouvons plus nous passer : la machine à coudre qui nous berce de son doux ronronnement, la machine à écrire qui rend si clair un texte illisible, la machine à laver purificatrice du linge sale en famille, et qui sont maternelles, fraternelles, pour nous donner plus de chaleur et plus d’intimité.

La machine soulève tous les problèmes : la pollution des océans, le désarmement nucléaire, la création artificielle d’homunculus, faire des enfants sans le secours de l’homme. L’Italie devient une usine où les divorces se font à la chaîne comme les Fiat. Situation tendue en Jordanie. Nouvelle pendaison en Guinée… Qu’est-ce que cela prouve ? Que le bonheur est une chose ambiguë, que l’humanité est encore bien jeune, que les enfants inconscients, insouciants de la mort comme de la famine, vont recommencer tout cela, que l’enfance ne connaît pas son bonheur, que l’humanité démarre un cran plus haut à chaque génération, qu’elle entre dans une ère scientifique insoupçonnée, que la peur et la haine sont le fait de l’homme primitif mais que cela va disparaître dans cette marche ascendante, que les jeunes vouent une sorte d’amour à la machine, que pour Linze c’est un signe de pureté et que dans les crépitements de l’avenir on a peine à imaginer les prodiges que tous ces chauds petits cerveaux irrigués de sang et de génie nous montreront quand ils ne seront plus ces enfants d’aujourd’hui un peu bizarres parce qu’entourés de toutes sortes de sortilèges souterrains et d’électricités précieuses…

Paul NEUHUYS

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 04:25

 

Prieuré

 

Féline

 

Féline est imbattable à l’épreuve du fond.

Quel abattage!

Une lionne en rut dans les orchidées

ou la femme au boa

premier prix d’endurance dans l’amour charnel à toute heure?

Le marquis de Sade est son violon d’Ingres.

La Délie est l’idée femme

le poète ne l’aime que dans la mesure

où elle signifie autre chose ‘quelle m’aime’

la femme de haut voltage.

Scève est le poète de cette Délie.

Geneviève donne un baiser sauvage,

puis, comme une chatte de gouttière court miauler: Je suis malheureuse...

mais devant la grande horloge du ciel

Ginette, l’horloginette, arrête son tic-tac.

Chez Sade la volupté abstraite conduit à l’érotomanie

chez Marat, la soif de la liberté devient éleuthéromanie

la même flamme noire s’allume entre l’amour de la liberté

et la liberté de l’amour.

Le marquis et le sans-culotte jonglent avec des mots vides.

Il n’est qu’une solution à ce besoin d’absolu,

c’est l’absolution.

Paul NEUHUYS

 

(Les Archives du Prieuré, Anvers, éditions Ça ira, 1953, 19542)

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21 octobre 2010 4 21 /10 /octobre /2010 16:47

 

Ce midi, Ronny Demaeseneer présentait lors de son traditionnel “Jeudi Lire “une nouvelle anthologie consacrée à la poésie belge. Jacques De Decker, nouveau directeur de la collection Espace Nord et Christian Libens, collaborateur de l'ouvrage, avaient fait le déplacement pour défendre leur dernier né. Après une brève évocation des origines et objectifs de la collection Espace Nord, les orateurs nous ont communiqué leur passion et leur lecture des gloires littéraires de notre pays. Naturellement, il faut faire des choix parmi le panthéon belge et le lecteur pourrait objecter de l'absence de tel ou tel écrivain mais le propos des orateurs était de rester attentif à faire co-exister les différents courants littéraires de notre histoire plutôt que de calculer combien de poèmes avait droit tel poète. Plusieurs thèmes typiquement belges ont égrainé la discussion: la fantaisie belge (Ensor, Elskamp), l'écriture sur l'écriture (de nombreux poètes belges ont été philosophes de formation), le langage du corps en réaction au surréalisme belge, l'autodérision (Pansaers, Blavier, Michaux). Signalons que Paul Neuhuys occupe une place de choix parmi les immortels. Il figure même en verso de couverture. Le temps commence à rendre à César ce qui est à César.

Robin de Salle

Christian LIBENS, Colette NYS-MASURE, Piqués des vers. 300 coups de cœur poétique, Bruxelles, éd. La Renaissance du Livre, 2010.

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17 septembre 2010 5 17 /09 /septembre /2010 17:13

Mercredi 15 septembre,  la Fleur en Papier doré accueillait l'écrivain Henri-Floris Jespers venu présenter son livre sur Gérard van Bruaene. Après un petit discours des présidents des asbl Le petit gérard (Robin de Salle) et  de la vzw Geert van Bruaene (Arnout Wouters), Henri-Floris Jespers a évoqué quelques légendes qui circulent à propos du groupe surréaliste de Bruxelles. Dans l'assemblée, on pouvait reconnaître entre autres Ray van Asten (beau-fils de Wout Hoeboer, cheville ouvrière de l'exposition rétrospective Wout Hoeboer toujours visible actuellement à la Verbeke Foundation à Kemzeke); René Broens (spécialiste du roman de Renart), Marie-Jeanne Dypréau ; le conteur-photographe Gaëtan Faik; le dessinateur Christian Van Haesendonck; le professeur Emmy van Kerkhove ; l'éditeur et galeriste Jean Marchetti; le poète Jan Struelens ( connaisseur de Harry Mulisch et Dan Brown);  Rody Vanrijkel; sans oublier Pruts Lantsoght , Luc Neuhuys (fondation ça ira), le peintre Jan Scheirs, Rina Stevenin , Isabelle Jespers, Jean-Marie Aendekerk  (fondation Marthe Donas), Bert de Keiser, auteur du livre illustré Aardse zekerheden (15 poèmes de Simon Vinkenoog), Hans Rombaut, secrétaire de rédaction de Nationaal Biografisch Woordenboek.

 

couverture.jpg

 

Henri-Floris JESPERS, Gérard van Bruaene, Bruxelles, éd. Connexion, 2010, 74 pages.

Editions Connexion
72 rue du Nord
1000 Bruxelles
revueconnexion@yahoo.fr
0486 22 06 43
Prix : 8 euros , Prix avec envoi postal compris : 10 euros
numéro de compte : 001-3244284-01
pour les virements de l'étranger:
BIC GEBABEBB
IBAN BE43 0013 2442 8401

 

Le livre est disponible dans les librairies suivantes :

 

Filigranes: 39-40 avenue des arts 1000 Bruxelles

Tropismes: 11 galerie des princes 1000 Bruxelles

Passa Porta: 46  rue Antoine Dansaert 1000 Bruxelles

De Slegte: 7 rue des Grands Carmes 1000 Bruxelles

Quartier Latin: 14 place des martyrs 1000 Bruxelles

 

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Arnout Wouters à côté de la table de dédicace (copyright Gaëtan Faïk)


 

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Robin de Salle et Henri-Floris Jespers en pleine discussion (copyright Gaëtan Faïk)

 

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L'assemblée fait la file pour la dédicace (copyright Gaëtan Faïk)

 

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Discours d'Arnout Wouters. Robin de Salle et Henri-Floris Jespers  écoutent pensivement. (copyright Gaëtan Faïk)

 

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Discours d'Henri-Floris Jespers (copyright Gaëtan Faïk)

 

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Discussion entre Henri-Floris Jespers et Jean Marchetti. (copyright Gaëtan Faïk)

 


 


 

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 02:11

 

JeanDeBoscherePHOTO.jpg

 

Jean de Boschère

Voici près de vingt ans que je ne me suis plus sérieusement penché sur Jean de Boschère, personnage pourtant combien attachant, auteur d'une œuvre fascinante et protéiforme.

Préparant l'édition de la correspondance inédite de Max Elskamp et Paul Neuhuys (cf Textyles, Revue des lettres belges de langue française, no 22, [2002], pp. 67-81), j'ai relu avec la plus vive attention la correspondance de Max Elskamp à Jean de Bosschère, éditée par Robert Guiette et publiée (en 1963 et 1970) par l'Académie de Langue et de Littérature françaises. (À l'instar de Christian Berg, je suis dorénavant partout la graphie modifiée du patronyme. Né Jean de Bosschère à Uccle [Bruxelles], l'auteur retrancha après 1944 une consonne de son nom, sans doute en vue de sa demande de naturalisation française, qu'il obtint en 1951.)

Vendredi, levant mon courrier, je découvre la réédition de Marthe et l'enragé de Boschère que m'adresse mon ami in litteris et collègue au Centre d'Étude des Francophones en FlandreChristian Berg, professeur émérite à l'Université d'Anvers, édition augmentée d'une “préface” d'Antonin Artaud, en fait un texte paru dans le numéro 168 (septembre 1927) de la Nouvelle Revue Française, en dépit des réticences de Jean Paulhan.

Boschere.jpg

Je m'empresse de signaler cette publication à l'attention de mes lecteurs, n'hésitant pas à piller sans vergogne (et sans les guillemets d'usage) l'excellente “lecture” de Christian Berg qui clôture ce volume.

*

Jean de Boschère (1878-1953), écrivain, poète, peintre, illustrateur et critique d'art, se présente à travers toute son œuvre comme un être rebelle et solitaire, bien qu'il comptât parmi ses amis Antonin Artaud, Jacques Audiberti, Balthus, Joë Bousquet, Max Elskamp, Oscar Venceslav de Lubicz-Milosz, Ezra Pound. Admiré par ses pairs, méconnu du public, il a traversé les grands mouvements littéraire du siècle sans s'y attarder, plus enclin à arpenter “les ténébreuses frontières de l'humain” qu'à se mêler à la foule.

Marthe et l'enragé, commencé pendant l'hiver de 1923-1924, est terminé à la fin de 1924. Boschère a voulu que le style du roman soit le reflet de la personnalité d'un narrateur malhabile mais sincère. C'est d'ailleurs ce style que Jean Paulhan jugeait “incorrect, non seulement du point de vue de la grammaire, mais de l'esprit” qui valut à Boschère d'essuyer un premier refus chez Gallimard.

Finalement l'éditeur de Suarès (que Boschère avait toujours considéré comme son mentor littéraire), Emile-Paul Frères, accepta de le publier. Paru en avril ou mai 1927, ce roman fut un fiasco commercial, malgré le soutien de quelques critiques influents comme Edmond Jaloux, Paul Fierens, Jean Cassou.

Suarès écrivit à son protégé le 11 août 1927:

L'Enragé a eu son effet sur les artistes et les écrivains: à ceux-là on fait cadeau des livres. Ceux qui les achètent n'ont pas été du même avis. La vente, paraît-il, a été presque nulle.

Christian Berg souligne que cet échec,

suivi de quelques autres, mit fin aux espoirs de Boschère de s'affirmer sur la scène parisienne à la fois comme peintre et comme écrivain et fut à l'origine d'un relatif isolement qui allait durer jusqu'à sa mort survenue à Chateauroux, en 1953.

Cette intégration ratée dans le champ littéraire et artistique parisien de la fin des années vingt est d'autant plus frappante qu'elle se situe en vif contraste avec l'éclatante réussite londonienne du Belge au début de la Première Guerre mondiale.

Quant à Paul Aron, il constate que

L'écriture de Boschère […] est chaotique, indifférente à la construction raisonnée, mais capable des emportements les plus lyriques ou des descriptions les plus émouvantes. Reconnu par Antonin Artaud, Jean de Boschère est aussi un poète et, dans ce domaine également, il manifeste une superbe indifférence aux modes et aux conventions.

(Christian BERG & Pierre HALLEN, Littératures belges de langue française. Histoire & perspectives 1830-2000, Bruxelles, Le Cri, 2000, p. 133)

En 1990, j'ai signalé un choix de poèmes de Boschère, traduits par Mark Braet en néerlandais : Als de stroop van de scholen nog aan de vingers kleeft (Bruges, Pablo Nerudafonds, 1990) – “Quand les sirops des écoles gluent encore les doigts...”

*

Artiste graphique, influencé dans ses débuts par Aubrey Beardsley, Boschère laisse de nombreux portraits de ses amis : Antonin Artaud, Jean Follain, Max Jacob, Henri Michaux, Jean Paulhan et André Suarès.

 

HFJ

DessinBOSCHERE.jpg

Dessin de Jean de Boschère illustrant son recueil Élans d'ivresse

(Paris, éditions Sagesse, 1935).

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6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 04:13

En compagnie de Luc Neuhuys, Thierry Neuhuys et Robin de Salle, j'ai assisté le vendredi 3 septembre à la soutenance de thèse de doctorat de Francis Mus (°1983) en la salle Juste Lipse de la Maison Érasme de la Katholieke universiteit Leuven.

Francis-Mus.jpg

Francis Mus

Les travaux de recherche de Francis Mus sont axés sur la dynamique (les transferts culturels, la construction identitaire et les dialogues littéraires) du modernisme et de la littérature de l'avant-garde historique en Belgique. Dans ce cadre, Francis Mus accorde une attention toute particulière à la position et la fonction de la langue, au bilinguisme et à la littérature en traduction. Soulignons d'emblée que la contribution de Francis Mus à l'analyse, à la contextualisation et à l'historiographie de L'Art libre (revue trop souvent négligée) est innovatrice et décisive.

*

Francis Mus a soutenu (en français) une thèse en tous points remarquable : No man's land ou terre promise. Littérature et internationalisme dans les revues francophones et néerlandophones belges de l'immédiat après-guerre (1918-1923).

Trois revues ont tout particulièrement retenu son attention : L'Art libre, Lumière et Ça ira!, « Clarté » (la revue bien sûr, mais surtout le mouvement) faisant fonction d'intertexte. Dans un premier mouvement Francis Mus étudie l’articulation de deux modalités différentes d’une même acception de l’internationalisme et de la poétique littéraire sous-jacente. La première modalité a été celle de L’Art libre, qu'il considère comme configuration de base étant donné que la revue fonctionne comme le représentant officiel en Belgique de Clarté, qui thématise de façon explicite tout ce qui a trait à l’internationalisme.

La dominance de ce modèle s’est avérée à propos de Lumière, qui s’inscrit de prime abord dans un cadre clartéiste, pour ne développer que dans un second temps une modalité différente par rapport au modèle établi par L’Art libre. Celle-ci s’explique par l’inscription institutionnelle différente de Lumière. Le lieu d’énonciation change de Bruxelles à Anvers, de sorte que le statut de la littérature produite en Flandre (francophone et néerlandophone) évolue d’une problématique extérieure à une problématique intérieure. Ainsi, une problématique intra-nationale va influer sur une problématique internationale.

Au premier abord, Ça Ira !semblait adopter un modèle discursif apparenté à celui de Lumière : également publiée à Anvers et en français, nombre de ses collaborateurs avaient un passé commun avec le groupe de rédacteurs de Lumière.

Ça Ira ! ne serait-elle donc rien d’autre qu’un pendant de Lumière, formulant les mêmes idées, mais de façon plus radicale? Les premiers numéros semblent confirmer cette intuition, mais l’influence croissante de deux collaborateurs, Paul Neuhuys et Clément Pansaers, a fait bousculer l’orientation de Ça ira ! qui, petit à petit, opte pour une voie radicalement différente.

L’épithète « radical » peut être prise ici au pied de la lettre : la manière selon laquelle les concepts sont appréhendés remonte à une tradition tout à fait autre, qui donne un sens nouveau à ces deux signifiants polysémiques, « littérature » et « internationalisme » …

Un certain nombre de revues de langue néerlandaise s'inscrivent également dans la lignée de « Clarté ». Au delà des instabilités sémantiques du corpus, l'approche minutieuse de ce tronc commun constitue un apport appréciable à l'étude de ces quelques années d'effervescence de l'immédiat après-guerre, durant lequel les germes du retour à l'ordre sont déjà bien présents.

*

Le doctorant a eu droit à un jury de soutenance de thèse particulièrement compétent dans le domaine des relations littéraires intra- et internationales : Reine Meylaerts et Lieven D'hulst (KUL), Michel Biron (Université McGill, Montréal) et (le « grand patron ») Jean-Marie Klinkenberg (Université de Liège), ainsi qu'Elke Brems (KUL) dont les approches de la littérature contemporaine de langue néerlandaise sont parfois innovatrices.

Proclamé docteur en littérature, Francis Mus fut chaleureusement applaudi par une nombreuse assistance.

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6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 03:07

Articles in internationally reviewed scientific journals

Mus, F. (2010). Le dialogue entre la Belgique et la Russie. L’image de la Russie dans quatre revues littéraires de l’entre-deux-guerres. Textyles – Revue des Lettres Belges de Langue Française.

Mus, F., Vandemeulebroucke, K., D'hulst, L., Meylaerts, R. (2010). Lokaal, nationaal of internationaal? Een eeuw intra- en internationale relaties in België (1850-1950). TS. Tijdschrift voor Tijdschriftstudies.

Mus, F. (2008). Comment interpréter une revue? Quelques pistes de lecture. Contextes (4).

Mus, F. (2008). Onderzoeksberichten. TS. Tijdschrift voor Tijdschriftstudies (23), 64.

Mus, F., Vandemeulebroucke, K., Van Humbeeck, B., Van Nuijs, L. (2008). Introduction. Contextes (4).

Mus, F., Vandemeulebroucke, K., Van Humbeeck, B., Van Nuijs, L. (2008). Inleiding. Contextes (4).

Van Nuijs, L., Mus, F., Vandemeulebroucke, K., Van Humbeeck, B. (2007). De diversiteit van een medium. TS. Tijdschrift voor tijdschriftstudies, 22, 54-59.

Mus, F., Meylaerts, R., D'hulst, L. (2007). Sire, y a-t-il des Belges? Un siècle de relations littéraires intra- et internationales en Belgique (1850-1950). Textyles – Revue des Lettres Belges de Langue Française, 32, 224-234.

Articles in other scientific journals

Mus, F. (2007). Elskamp, entre rêve et réalité. Romaneske (3), 6-8.

Mus, F. (2007). Less is more. Kuifje volgens Jan Baetens. Romaneske (4), 3-8.

Mus, F. (2006). Denken is leven. Portret van Gli Indifferenti (Alberto Moravia). Romaneske (3), 10-12.

Mus, F. (2005). "Snake Eyes." François Weyergans, Prix Goncourt 2005. Romaneske (1), 8-10.

Books, internationally recognised scientific publisher; as editor

(2011). La traduction dans les cultures plurilingues. (Mus, F., Ed., Vandemeulebroucke, K., Ed., D'hulst, L., Ed., Meylaerts, R., Ed.). Arras: Artois Presses Université.

(2008). L'étude des revues littéraires en Belgique: méthodes et perspectives. (Mus, F., Ed., Vandemeulebroucke, K., Ed., Van Humbeeck, B., Ed., Van Nuijs, L., Ed.).

Luckács, A., Ringmar, M., Consolaro, A., Valentini, C., Demeyer, C., Charalampidou, P. (2007). Selected Papers of the CETRA Research Seminar in Translation Studies 2006. (Mus, F., Ed.). http://www.kuleuven.be/cetra/papers/papers.html.

Other published books; as editor

Franzelli, V., Holobut, A., Robert, I., Timarova, S., Eraslan Gercek, S., Mus, F., Pacheco Pinto, M., Yannakopoulou, V., Guo, T., Boulogne, P., Shlesinger, M. (2008). Translation and Its others: selected papers of the CETRA Seminar in translation Studies 2007. With an introduction by Miriam Shlesinger. (Boulogne, P., Ed.). http://www.kuleuven.be/cetra/papers/papers.html.

Mus, F. (2010). Internationalisme et identité littéraire dans la revue anversoise Lumière (1919-1923). In: Bainbrigge S., Charnley J., Verdier C. (Eds.), Francographies - Identité et altérité dans les espaces francophones européens (pp. 115-128). New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien: Peter Lang.

Mus, F., Roland, H., Van Mole, D. (2009). Discours internationaliste et conscience identitaire des échanges culturels : l’exemple belgo-allemand (Der Sturm, Résurrection). In: Bru S., Baetens J., Hjartarson B., Nicholls P., Orum T., van den Berg H. (Eds.), Europa! Europa? The avant-garde, modernism and the fate of a continent (pp. 267-282). Berlin: Walter de Gruyter GmbH & Co..

Mus, F. (2009). The image of English literature in Belgian avant-garde periodicals. In: Toremans T., Verschueren W. (Eds.), Cultural crossings, Exploring the nineteenth-century distribution of English literatures in the Low Contries. Leuven: Universitaire Pers Leuven.

Mus, F. (2008). Internationalization in Belgian Periodicals after WW1. Outline of a research project. In: Translation and Its Others. Selected Papers of the CETRA Research Seminar in Translation Studies 2007. Leuven: CETRA-papers.


Meeting abstracts, presented at international conferences and symposia, published or not published in proceedings or journals

Mus, F. (2009). (poster) Literature, internationalisation and translation in Belgian literature after World War 1. . The known unknowns of Translation Studies. Leuven, 28-29 August 2009.

Mus, F. (2009). Internationalisation dans la littérature belge au lendemain de la Grande Guerre : une lecture sociocritique. . Les réseaux européens des revues littéraires (1909-1939).. Angers, 2-4 July 2009.

Mus, F. (2009). Le ralentissement de la traduction et ses conséquences. . Translation in multilingual cultures. Leuven, 20-22 May 2009.

Mus, F. (2009). Politique, héroïsme et littérature chez Paul Colin et dans "L'Art libre". Le héros, le traître et la hauteur des circonstances. Le héros, le traître et la hauteur des circonstances. Montreal, CA, 6-7 March 2009.

Mus, F. (2009). Een problematische haat-liefde verhouding? De doorwerking van de negentiende-eeuwse literatuur in enkele naoorlogse tijdschriften. . Naties in een spanningsveld. Tegenstrijdige bewegingen in de processen van identiteitsvorming in de negentiende-eeuwse lage landen. Antwerpen, 13-14 February 2009.

Mus, F. (2008). Utopisme in de Belgische literatuur na W.O.1: een casestudy. . Nederlands-Vlaamse studiedag. Leuven, 27 November 2008.

Mus, F. (2008). Impact, croyance, normativité. Mesurer le poids d'une revue à l'aide de L'art libre (1919-1922). Contextes (4). L'étude des revues littéraires en Belgique. Leuven, 29-30 May 2007.

Mus, F., Roland, H., Van Mol, D. (2008). Le dialogue interculturel des avant-gardes: le cas de la Belgique et de l’Allemagne pendant l’avant-garde historique. Europa! Europa? The avant-garde, modernism and the fate of a continent. Europa! Europa?. Gent, BE, 29-31 May 2008, 267-282.

Mus, F. (2008). Internationalisme et identité littéraire dans la revue anversoise "Lumière" (1920-1923). Francographies: Identité Et Alterité Dans Les Espaces Francophones Européens. 'Francographies': Identité et altérité dans les espaces francophones européens. Edinburgh, 14-15 March 2008.

Mus, F. (2007). Les revues littéraires francophones belges pendant la première Guerre mondiale. L'exemple des "Cahiers du front". . Les revues, laboratoires de la critique (1880-1920). Le Mans, 29-30-11-2007.

Mus, F. (2007). The image of English literature in Belgian avant-garde periodicals. Crossing Cultures: Nineteenth-Century Anglophone Literature in the Low Countries.. Cultural Crossings: Exploring the Nineteenth-Century Distribution of English literatures in the Low Contries. Brussel, 16-11-2007.

Mus, F. (2007). An immaculate view. The function of translations in the process of writing literary historiographies. . Why translation studies matters. Ljubliana, SLO, 3-5 September 2007.

Mus, F. (2007). Paul Colin, entre peinture et littérature. . Ecrit(ure)s de peintes belges. Namur, 24-25 May 2007.

Meeting abstracts, presented at local conferences and symposia, published or not published in proceedings or journals

Mus, F. (2009). doctoraatspresentatie " 'Sire, y a-t-il des Belges?' A century of intra- and international literary relations in Belgium (1850-1950)". . CETRA-doctorandidag. Leuven, 01-04-2009.

Mus, F. (2007). doctoraatspresentatie " 'sire, y a-t-il des Belges?' un siècle de relations intra- et internationales en Belgique (1850-1950)". . CETRA-doctorandidag. Leuven, 16 March 2007.

Mus, F. (2007). doctoraatspresentatie " 'Sire, y a-t-il des belges?' Een eeuw intra- en internationale literaire relaties in België (1850-1950)". . doctorandidag. Leuven, 9 january 2007.

Reviews

Mus, F. (2010). review. In: Spiegel der Letteren: Tijdschrift voor Nederlandse Literatuurgeschiedenis en voor Literatuurwetenschap (2).

Mus, F. (2010). De onmetelijkheid van een foto. In: De Leeswolf, 95-96.

Mus, F. (2010). Tarmac (Nicolas Dickner). In: De Leeswolf (1), 19.

Mus, F. (2009). De baden van Kiraly ( Jean Mattern). In: De Leeswolf (9), 666.

Mus, F. (2009). Een Russische begraafplaats. In: De Leeswolf (4), 253-254.

Mus, F. (2009). Met zachte tred. In: De Leeswolf (8), 571-572.

Mus, F. (2009). De joker (Julie Wolkenstein). In: De Leeswolf (9), 670.

Mus, F. (2009). De anderen (Alice Ferney). In: De Leeswolf (3), 176.

Mus, F. (2009). Een ordinaire terechtstelling (Marc Dugain). In: De Leeswolf (5), 339-340.

Mus, F. (2009). Moreno (Brina Svit). In: De Leeswolf (2), 108.

Mus, F. (2009). De rijkste vrouw van Yorkshire (Fouad Laroui). In: De Leeswolf (4), 263.

Mus, F. (2009). Breuklijnen (Nancy Huston). In: De Leeswolf (1), 14.

Mus, F. (2009). review. In: Target: International Journal of Translation Studies, 21 (1), 170-173.

Mus, F. (2009). Mijn broer de enige zoon (Stéphane Audeguy). In: De Leeswolf (7), 496.

Mus, F. (2008). Nikolski (Nicolas Dickner). In: De Leeswolf (7), 502.

Mus, F. (2008). Gekkenhuizen. In: De Leeswolf (5), 336.

Mus, F. (2008). Mannen onder elkaar (Jean-Paul Dubois). In: De Leeswolf (7), 503.

Mus, F. (2008). review. In: Textyles – Revue des Lettres Belges de Langue Française (34), 126-127.

Other journal publications / miscellaneous

Mus, F. (2009). De verbeelding en de macht. Knack Magazine.

Mus, F. (2009). De littérature québécoise na 1945. De Leeswolf (1), 19-21.

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 04:32

Le site Feuilles d'automne, “coquecigrues d'un libraire d'occasion et de ses amis”, est bien connu des internautes. Le tenancier y démontre à souhait que rien n'est plus subversivement éclairant que le bon sens 'pataphysique...

Je lui laisse la parole.


Feuilles.gif

Pourquoi je ne reviendrai pas travailler en librairie de neuf

 

Parce que, pendant des années, j’ai été obligé de me gaufrer toutes les nouveautés qui passaient pour pouvoir en parler aux clients qui, de toute façon n’y prêtaient plus du tout attention, puisqu’ils me disaient presque invariablement : « Vous savez ?... mais si, le livre à la télé, hier soir ! »
Parce que la plupart des livres sont devenus moches, imprimés à la rotative avec des couvertures inspirées par des branleurs du marketing.
Parce que les clients du neuf achètent pour la couverture.
Parce que le sale con qui vous explique la vie, l’art, ou le « complot judéo-maçonnique » pendant trois plombes.
Parce que des livres idiots, jamais vendus, jamais pris en main, déballés, empilés et remis en caisse pour être retournés.
Parce qu’on n’a jamais le livre qu’il faut.
Parce qu’il faut commander le livre.
Parce que c’est trop tard quand il arrive.
Parce que le même sale con que plus haut qui tente de vous piéger sur la littérature, l’histoire, la vie, les mouches, etc.
Parce qu’un salaire de merde (même chose maintenant, mais j’ai pas de patron).
Parce qu’obligé d’endurer les rentrées littéraires avec toujours les mêmes sempiternelles inepties, les livres pas faits, les livres que c’est pas la peine, les livres indigents, honteux, calamiteux, crétins, stupides ou alors relevant de cette idiotie pathologique - de la stupeur ? - qui a cours dans les cénacles qu’on ose à peine qualifier de « littéraires » et qui relèveraient plutôt de la dipsomanie ou de l’hystérie.
Parce que pire que plus haut : les livres écrits par des hommes politiques.
Parce que le même con, encore, qui s’avère être un auteur et qui ne comprend pas pourquoi son livre n’est pas en rayon. Mais, c’est parce qu’il n’est pas inscrit à l’office. Mais surtout parce que c’est un sale con arrogant, a-t-on envie de lui dire.
Parce que ce même con, encore lui, toujours lui qui met sa crotte en évidence sans nous demander notre avis et dès qu’on a le dos tourné en nous reprochant de ne pas faire notre boulot.
Parce que les amis de ce con qui font pareil.
Parce que certains se sont vantés devant moi de le faire en ignorant mon métier.
Parce que lorsque ce n’est pas le con ou un de ses amis, c’est le représentant de la maison d’édition – livre moche, marketing, idiot, dipsomane – qui s’en mêle et qui insiste pour « Un treize/douze si on fait un facing ».
Parce que désormais un vocabulaire de trouduc d’école de commerce.
Parce que le système des offices : le livre neuf est un commerce sans couilles.
Parce que tout le monde sait mieux notre métier que nous, comme ces deux crétins de pubards – pas dipsomanes, ceux-là, buveurs d’eau, j'en suis sûr ! - qui ont essayé de m’expliquer comment vendre des livres, l’autre fois, sur Facebook.
Parce que dans la librairie de neuf, on sait rarement ce qu’est un livre, comment ça se boutique et que rares sont ceux qui en ont la curiosité. En fait, presque tout le monde se fout de l'objet, et pourtant...
Parce que, non, BHL n’est pas un philosophe, Nothomb n’est pas un écrivain, Assouline n’est pas un critique et Mary Higgins Clark n’est pas plus du polar que Werber n’est de la SF.
Parce que j’ai été obligé de les vendre et que j’ai été obligé de mentir sur ces daubes pour avoir la paix.
Parce que tous ces cartons de livres retournés que personne n’a lu et ne lira, parce que ce gâchis par des « écrivains » qui n’ont pas eu l’humilité de se taire et à cause des éditeurs qui font marcher la pompe à fric.
Parce que, que le livre soit en papier ou électronique, il est devenu très compliqué de lire pour nombre de mes contemporains.
Parce que des tauliers – pas tous, j’ai appris la librairie avec certains – qui n’ont rien à voir avec le métier.
Parce qu’une des pires conventions collectives du commerce, qui n’est pas le secteur le plus gâté.
Parce que la tranche, eh bien c’est le dos, le dos, c’est le deuxième plat et que c’est pas un couverture souple mais un ouvrage broché (venez pas m’emmerder avec les dos collés, hein !) et que votre reliure c’est un cartonnage.
Parce qu’on a réussi après plusieurs décennies à me faire prendre le livre neuf en horreur, à changer mon plaisir en quelque chose de fastidieux, à me désincarner en machine à débiter des conneries (et certains aimeraient beaucoup que ça fonctionne aussi comme ça pour l’occasion ou l’ancien).
Parce que ces gens qui passent la tête à la porte de la librairie et qui vous expliquent que vous faites un métier si merveilleux et que ça doit être exaltant de lire du matin au soir et qu’ils projettent également de faire ce métier quand ils auront pris leur retraite.
Parce que ces mêmes, là, vous ne les avez jamais vues avant et vous ne les reverrez plus.
Parce qu’un jour, si vous continuez, vous risquez de finir par en éclater un au mur.
Parce que l’on finit par trop mentir.
Parce que trop de Lévy, trop de Musso et pas assez de livres.
Parce que l’ennui, la répétition, l’anomie : enthousiasmes d’un quart d’heure pour un titre disparu dans la demi-heure qui suit, tout le temps, à chaque fois.
Parce que les quadragénaires névrotiques, plus anxiogènes que les ménagères de moins de cinquante ans.
Parce que ce sont les mêmes qui viennent nous faire leur autofiction dans la librairie même.
Parce que je n’ai pas assez rigolé avec les personnes que j’aimais et qui passaient trop rarement, comme Marie-Ange, Alain, Eva, et d’autres encore.
Parce que je suis le Tenancier et que je fais maintenant ce qui me fait plaisir.

Yves LETORT

 

Librairie Feuilles d'automne
Yves Letort

Par correspondance uniquement.

Il est possible de retirer les ouvrages à la Librairie « La Lettre écarlate », au 114, rue Blomet dans le XVe arrondissement de Paris.

E-Mail : letort.yves@free.fr

Blog : feuillesd-automne.blogspot.com/

Feuilles d'automne

Coquecigrues d'un libraire d'occasion et de ses amis

http://feuillesd-automne.blogspot.com

Voici son adresse : Feuilles d'automne - Le val Vert - B - 3, rue Jacques Durand - 77210 Avon.

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