Paul Dermée
Les relations cordiales entre Paul Dermée et Paul Neuhuys furent scellées à Anvers. Le volant d'Artimon (Paris, Collection “Z”, Jacques Povolozky & Cie, 1922) adressé à Neuhuys (un des quelques exemplaires d'auteur sur vélin) en témoigne: « À Paul Neuhuys / en souvenir des récentes / heures anversoises / très amicalement / Paul Dermée »
Le 8 novembre 1922, Paul Dermée donne une conférence au club Artès à Anvers, intitulée « Défense du lyrisme nouveau ». Enfin, en janvier 1923 il publie un poème dans le no 20 de Ça Ira ! :
Bar Marin
À Maurice Van Essche
Lanterne de papier huilé – chauds yeux mis-clos
Gloire des rues interdites aux matelots
Les bourdons policiers se cognent à vos vitres
Bar ô cactus éclos sur les décombres de la nuit
Les rêves les regrets le désir étendard
Halots d'ivresse sur les visages que j'ai baisés
De la flamme de punch qui tremble sur les verres
Une torsade de typhon s'élève rauque comme une rixe
Les murs sont pavoisés de glaces de mirages
Combien de cicatrices écrivent mes voyages
ô bruit des vagues halètement des flots énamourés
Accordéon magicien des cœurs nomades
Quels grains menacent sous les paupières plombées des filles
Les phalènes des Tropiques ce sont leurs bagues et leurs rires
Dans les bouteilles lumineuses d'aurore
Chante l'embellie des départs matinaux
À Saïgon à Dakkar ou à Vera Cruz
Toujours la même abeille a bourdonné
autour de mon col de toile bleue
Elle chante laï-ta-li-va
Les beaux pays où je n'aborderai pas
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Au sommaire du même numéro 20 figurent e.a. un très beau texte de Pascal Pia in memoriam René Edme (représentant de Ça Ira ! à Paris), un poème Marcel Arland et de Georges Pillement. Les « somptueux » tapis modernistes de Jan Cockx sont présentés par Maurice Van Essche.
Paul Neuhuys y publie son étude sur Céline Arnauld (voir notre blogue du 3 février) et des notes de lecture consacrées à Henri Vandeputte (Dictionnaire ajoutez un adjectif en ique), à Odilon-Jean Périer (Notre Mère la Ville) et à Robert Goffin (Jazz-Band, avec une préface de Jules Romains).
Ce sera l'ultime numéro de Ça Ira !.
Le numéro “Dada” [no 16, novembre 1921) fut notre perte, soulignera Neuhuys dans ses mémoires,“car si nos rangs grossissaient, nous souffrions d'une sordide pénurie d'abonnés. Au point que Willy Koninckx proposait d'insérer dans chaque numéro un bulletin de désabonnement pour la facilité de nos lecteurs.”
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Les éditions Ça Ira demeureront encore quelques mois actives, publiant en 1923 Guêpier de diamants de Céline Arnauld, L'Œuvre plastique de Paul Joostens de Georges Marlier, Les Rêves et la jambe de Henry Michaux et Le Zèbre handicapé de Paul Neuhuys (avec un portrait de l'auteur par Floris Jespers). Le groupe s'attellera à l'organisation d'expositions en tous points remarquables.
Paul Neuhuys relèvera l'enseigne des éditions en 1932. Il les dirigera jusqu'à sa mort en 1984.
Henri-Floris JESPERS
(à suivre)