La collaboration de Paul van Ostaijen à la galerie La Vierge Poupine fut de courte durée. La chronique du mois de mars de la revue Sélection annonce laconiquement : « La Vierge Poupine, dirigée par MM. Van Bruaene et Van Ostaijen, disparaît.”
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Le samedi 20 mars, Sélectionun dîner intime réunit à la Taverne Wagner à Anvers, les membres du groupe Sélection, ses collaborateurs et ses amis, pour célébrer ses cinq années d’existence et pour fêter Fritz van den Berghe dont s’était ouverte, le même jour, l’exposition d’ensemble de son œuvre, au Cercle Artistique d’Anvers. Van Bruaene participe au banquet ; Van Ostaijen se fait excuser.
Les circonstances exactes qui mirent fin à la collaboration de Van Bruaene et Van Ostaijen ne sont pas élucidées. La livraison d’avril 1926 de Sélectionannonce :
‘La Vierge poupine’ dont nous signalions la fermeture rue de Namur, 70, s’est réinstallé ailleurs : avenue Louise, 32. Elle sera donc la voisine du ‘Centaure’, qui va également s’établir à l’avenue Louise, au numéro 62. La nouvelle ‘Vierge poupine’ est dirigée par MM. Geert van Bruaene et Camille Goemans.
Le 6 mai 1926, Van Ostaijen annonce à Stuckenberg qu’il n’est plus « directeur » depuis le 1eravril. Il a abandonné le commerce d’art bruxellois. Comme auparavant, il traitera donc ses affaires selon la terminologie parisienne « en chambre ». « Cela ne va pas bien, - trop bien pour aller vraiment au diable. Et trop mal pour en vivre. » À la clôture de leur partenariat, Van Bruaene devait 1.500 francs à Van Ostaijen, montant qu’il règlera par trois chèques de 500 francs, échelonnés sur trois mois, adressés à l’avocat de son ancien associé.
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Marthe Donas (1885-1967) sera le premier peintre à occuper la nouvelle cimaise. Son exposition est annoncée dans Het Laatste Nieuws du 17 avril et figurera dans la rubrique ‘Waarheen vandaag ?’ du journal jusqu’à et y compris le 28 avril. De nos jours peu connue du grand public, l’importance de l’œuvre de Marthe Donas (qui signait également Tour Donas ou Tour d’Onasky) ne saurait être surestimée. Cette anversoise issue de la bonne bourgeoisie francophone séjourne en France de 1917 à 1920. Membre de la « Section d’Or » qui regroupe les peintres postcubistes Théo van Doesburg (1883-1931), Albert Gleizes (1881-1953), Nathalia Gontcharova (1881-1962), Fernand Léger (1881-1955), Léopold Survage (1879-1968) et le sculpteur Archipenko (1887-1964), elle participe aux expositions collective de Londres, Paris Bruxelles et Rome ; elle expose à la galerie berlinois Der Sturm du légendaire marchand d’art Herwart Walden, qui lui achète trente-cinq toiles. Marcel Duchamp et Katherine Dreier (1877-1952) l’introduisent aux Etats-Unis. Elle exposera pour la première fois en Belgique en 1920, à la galerie Sélection dirigée par André de Ridder et Paul-Gustave van Hecke.
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Dans le prochain Bulletin de la Fondation Ça ira, qui paraîtra dans quelques semaines pour la première fois en volume, l'accent sera mis sur deux peintres anversois trop souvent négligés, Marthe Donas et Jules Schmalzigaug.
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Les éditions Connexion et l’asbl Le petit gérard organisent une séance de dédicace avec Henri-Floris Jespers, à l'occasion de la parution de son livre sur Gérard van Bruaene (Courtrai 23 juin 1891 – Bruxelles 22 juillet 1964). Rendez-vous le mercredi 15 septembre 2010 à la Fleur en papier doré, 55 rue des Alexiens à 1000 Bruxelles, à 18h.
La Fleur en Papier doré constitue un des rares lieux de mémoire dont le capital symbolique peut être tout aussi bien revendiqué par les avant-gardes littéraires que picturales, qu’elles soient francophones ou néerlandophones, sans oublier ce moment de cristallisation internationale que fut Cobra.
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Dans la foulée de Gerrit Borgers et de Rik Sauwen, Henri-Floris Jespers, assisté de Robin de Salle (en qualité de documentaliste), a entrepris des recherches sur ce café artistique et sur son fondateur Geert van Bruaene . Comme le souligne Henri-Floris Jespers: « Il est difficile de trouver des informations précises sur Geert van Bruaene et ses entreprises diverses. Compagnon de route des surréalistes bruxellois et de Cobra, auréolé de ses relations avec des icônes artistiques incontournables, de Paul van Ostaijen et René Magritte à Dubuffet et Hugo Claus, il était inévitable qu’une légende se fût créée autour de ce personnage truculent.»
Synthétiser, confronter et critiquer les documents et témoignages souvent contradictoires, telle fut la tâche auquel s’est attelée avec brio l’essayiste Henri-Floris Jespers. Cette étude, qui se présente comme un dossier provisoire, permet de faire le point sur de nombreuses questions : l’arrivée de van Bruaene à Bruxelles, la chronologie des expositions d’avant-garde (cabinet Maldoror, la Vierge Poupine, au Diable par la Queue) et de ses cafés « brollewinkel ».
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