Henri Chopin (Photo: Kris Kenis)
Si Paul Neuhuys aimait souligner qu'il avait un talon dans le dix-neuvième siècle, rien du vingtième ne lui fut étranger. Et ne présageait-il pas les horizons qui s'ouvrent au seuil du nouveau millénaire en déclarant dès 1965 qu'un nouveau maniérisme était né de la sorcellerie électronique et que, pour les poètes, la suprême distinction deviendrait peut-être de capter l'univers par microminiaturisation.
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Dès le début des années soixante, Neuhuys (1897-1984) publia des textes de Pierre Garnier et de Henri Chopin dans les cahiers des Soirées d'Anvers. Henri Chopin (1922-2008), le théoricien et infatigable promoteur de la poésie sonore, entretenait de nombreux contacts en Belgique flamande et se lia d'amitié avec Neuhuys, à qui il consacrera en 1977 une livraison de sa revue Ou.
En avril 1998, Chopin évoquera Neuhuys dans un texte demeuré inédit, que nous publions ici.
HFJ
Un grand témoin, éditeur, poète de portée internationale :
Paul Neuhuys
Plus qu'un ami, je rencontrais en Paul Neuhuys en 1960 un explorateur des poésies actives, découvrant combien la poésie réelle est d'une part et de tous temps engagée das l'action depuis la plus haute antiquité, d'autre part qu'elle ne cesse d'explorer les langages, quand elle s'affranchit des pesées “littéraires” qui ont peu de pesées lumineuses.
Grand animateur, Paul nous offre en partage sa désormais fameuse revue Ça ira, au début des années vingt, plus tard ses Soirées d'Anvers, délicats cahiers personnalisant quelques chercheurs ou explorateurs comme le fut Paul lui-même.
Ses enquêtes sont particulièrement européennes, en nous alertant dès 1919, de la lancée du dadaïsme, mouvement qui fut ignoré en France jusqu'en 1950, Tristan Tzara se présentant comme son unique protagoniste, le surréalisme pratiquant le silence après lui, ou inversant le S devant le D.
Bien sûr, ce poète voyageait dans les âges, nous rappelant un pré-dadaïste nommé Pythagore, lequel assurait « qu'il ne fallait pas pisser contre le soleil ». Curieux en tout, Paul savait aussi que la poésie n'est pas seulement dirigée par l'écriture, elle peut porter les sons et les visions, comme les ironies, les charges, les outrances et les délicates approches des timbres, y compris celles de certaines volontés musicales.
Cette belle curiosité ès langage l'invitait à accepter le musicien/poète Mesens, à comprendre et aimer la « poésie sonore » (électronique), comme les média venus ou à naître.
La hauteur de vue de Paul Neuhuys lui faisait connaître que le poète vibre en des millénaires d'oralités, en quelques siècles un grand halage de la reine écriture, aussi durant quelques décades la (re)naissance des puissances vocales.
Paul me fut une lumière qui dure encore pour moi, autant avec ses essais critiques, qu'avec ses pouvoirs poétiques, parfois puissants, voire brutaux, parfois donnés dans une écriture sereine, calme, intime.
Combien j'ai reçu en l'écoutant, en relisant Ça ira, en parcourant les âges, puisque la poésie pour lui comme pour moi, ne se limite pas à une école, une chapelle, que Neuhuys pouvait refuser.
Henri CHOPIN
Henri Chopin, Le dernier roman du monde, enrichi d'un poème original de Pierre Albert-Birot, d'une post-face de Arlette Albert-Birot, et d'un disque 17 cm avec l'audio-poème « pêche de nuit », de 1957, composition vocale par 48 superpositions de Henri Chopin. Édition préparée avec Jo Verbrugghen, Wetteren, édition Cyanuur, 1970. Illustrations: Raoul Hausmann et
Gianni Bertini.
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À propos de Chopin, voir sur ce blogue:
http://caira.over-blog.com/article-20367955.html
http://caira.over-blog.com/article-16040260.html
http://caira.over-blog.com/article-24891150.html
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