Paul Éluard poursuit une transformation complète du langage. « Essayons, dit-il, c’est difficile, de rester absolument purs ». Le langage tel qu’il nous parvient par la force de l’usage ne signifie plus rien. C’est un bavardage qui, selon Paul Éluard, n’a plus aucune raison d’être et il veut instituer en poésie la simplicité la plus élémentaire.
Dans Les Animaux et leurs hommes… il s’efforce de rafraîchir sa vision du monde par des images simplifiées et des analogies initiales : le poisson dans l’air et l’homme dans l’eau. L’herbe devant la vache, l’enfant devant le lait. Paul Éluard ne veut retenir des choses que les rapports essentiels pour arriver à une pureté complète de sentiment. Voici un exemple de cette poésie élémentaire :
MOUILLÉ
La pierre rebondit sur l’eau,
La fumée n’y pénètre pas.
L’eau telle une peau
Que nul ne peut blesser
Est caressée
Par l’homme et par le poisson.
Claquant comme corde d’arc
Le poisson, quand l’homme l’attrape,
Meurt, ne pouvant avaler
Cette planète d’air et de lumière.
Et l’homme sombre au fond des eaux
Pour le poisson
Ou pour la solitude amère
De l’eau souple et toujours close.
Ce qui offusque souverainement le parti-pris de simplicité de Paul Éluard, c’est « l’allure distinguée ». La poésie doit être, selon lui, quelque chose de « naïf comme un miroir ». Il conçoit une poésie où « le temps ne passe pas ». C’est difficile car l’homme se meut dans une atmosphère épaisse. Il dira dans ses Exemples : l’homme, le scaphandrier de l’air. Pourtant il perçoit confusément une unité universelle qui lui permet de déclarer : « J’ai traversé la vie d’un seul coup. »
Paul NEUHUYS