André de Ridder et Paul-Gustave van Hecke exerçaient la direction de la revue anversoise Sélection, « chronique de la vie artistique et littéraire », dont Georges Marlier assumait le secrétariat de rédaction. Au comité de rédaction figuraient entre autres E. L. T. Mesens et Paul Neuhuys.
Au sommaire du numéro du 15 juin 1925 (4me année, no 9) figurent entre autres des poèmes de Tristan Tzara, un compte rendu du livre d’André Germain De Proust à Dada par René Beeken, ainsi qu’une note critique d’André De Ridder à l’occasion de l’inauguration de la galerie « La Vierge poupine » de Geert van Bruaene qui accroche Floris Jespers à ses cimaises. L’important article de Georges Marlier, « Conséquence de Dada » (pp. 257-265), n’a rien perdu de son actualité. Il y pose d’emblée un problème dont les prolongements sont bien réels :
Les tenants du surréalisme auront beau proclamer la mort de Dada, cela n’empêchera oas leur mouvement de n’être que la continuation d’un des aspects du dadaïsme et précisément de celui qui se trouvait être le moins original, le plus proche de certaines tentatives littéraires antérieures. Il est même assez paradoxal que les surréalistes – qui ne laissent échapper aucune occasion de manifester le dégoût que les lettres leur inspirent – se dépensent en faveur d’un moyen d’expression qui accuse un caractère esthétique beaucoup plus aigu que le dadaïsme primitif. « Vraiment, s’écrie à bon droit Ribemont-Dessaignes, c’était la peine d’avoir voulu détruire le système de la gravitation universelle et le placer sur le bout de son doigt ou de son nez, pour venir mettre au jour un joli système littéraire... Une petite côte de Dada, voilà ce qu’est le surréalisme ».
Lors de ses entretiens hebdomadaires avec Alexandre Grenier, dont j’ai perçu les échos à distance, Michel Seuphor répond avec acuité à la question de savoir si Dada est un pont qui mène au surréalisme :
Je sais que c’est là une idée généralement admise, mais je réponds « non » avec force. Tout sépare Dada du surréalisme ! Cela n’a rien à voir ! Dada, c’est la révolte absolue, le surréalisme n’en est pas la la suite, mais la négation. Les faits sont là : où il y a-t-il une tête à Dada ? Nulle part. Dada est une hydre à neuf têtes. Personne n’est directeur ni dictateur. Tous ont une valeur et une importance égales. Le surréalisme naît avec un conducteur, un « duce » : Breton. Le dadaïsme à Zurich est immédiatement international. il est français, roumain, suisse, allemand, etc. Le surréalisme, lui, est français. Il est même, plus exactement, parisien et xénophobe. Alors que Dada, comme De Stijl du reste, est pluridisciplinaire et polyglotte, le surréalisme français ne s’ouvre absolument pas au reste du monde. Pire même, puisque Breton le rétrécit de plus en plus, ne voulant même connaître que le français. Quand il s’est réfugié en Amérique, pendant la guerre, il a refusé d’apprendre l’anglais sous prétexte que cela mettrait son beau français en danger ! Il était ainsi pétri d’idées aussi snobs que fausses.
« Personne n’est directeur ni dictateur. Tous ont une valeur et une importance égales. » Est Dada qui se déclare tel et jouit qualitate qua du titre de Président de Dada...
(HFJ)