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29 février 2008 5 29 /02 /février /2008 00:17

Dans la dix-septième livraison de ça ira, parue en mars 1922,  Pascal Pia (1903-1979) publie un article sur Le Canari et la Cerise de Paul Neuhuys.

 

Paul Neuhuys renouvelle son fonds poétique, hoirie d’une muse aux yeux couleur de film. Les villes-lumière, les ports pavoisés, les sources lumineuses des cinémas offrent mille et une images. Le spectacle nous vaut ce nouveau poète. Il a tordu le cou à l’éloquence. Sensible aux ondes, comme on doit l’être aujourd’hui, il encage la sentimentalité et ne permet que rarement à ses colombes, un vol court, aigu, précis. Pour Paul Neuhuys la poésie moderne est bien ce que la définit Jean Epstein : un nouvel état d’intelligence. Paul Neuhuys dédaigne les paysages flous et vaporeux. Son œil est un objectif de 13 x 18. Le jamais vu, les pays de couleur le séduisent. Paris, ce village dont il énumère les fontaines, le port d’Anvers et ses steamers en partance lui laissent un peu de nostalgie universelle. Neuhuys, je vous ai rencontré un soir d’automne. Nous avons trinqué au « Paon Royal », alors que sommeillait Anvers écrasée d’ombres. Le Paon Royal couvert d’étoiles, le jardin zoologique où les perroquets allument un feu de joie, le cri tragique des sirènes ou le déclic du kodak, lyrisme qui ne se soucie pas des métriques régulières, notations rapides qui font du poème, un télégramme. À tout cela Neuhuys ajoute un peu d’ironie savamment dosée. Chaque pièce de son recueil est un de ces rainbows dont nous parla Farrère, flûtes à champagne de liqueurs diverses, où les sept couleurs de l’arc-en-ciel se superposent. Neuhuys, vous avez donné à « Ça Ira » des études dont les poètes français peuvent vous être reconnaissants. Au Canari, que vous nous lèguez, je ne connais pas de poèmes belges comparables. Orphée a aboli le temps et la distance. À Paris je vous ai connu en vous lisant. J’ai touché du doigt un poète et j’ai marqué ce jour d’une pierre blanche.

Pascal PIA

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