La galerie anversoise Anversville réunit jusqu'au 27 mai une grande variété d'artistes belges plutôt insolites sous l'appellation générique Grafiek.
Mon ami Alain Germoz (°1920) m'adresse un carton d'invitation, soulignant : « Pour la première fois, j'expose... »
Les « scromphales » d'Alain Germoz sont nés à l’improviste de l’ennui d’une communication téléphonique désespérément longue. Ces personnages graphiques qui se prennent parfois pour une lettre, voire dans l'élan pour tout un alphabet, font leur apparition dans L’ombre et le masque (2002) et réapparaissent en couverture de La sandale d’Empédocle (2007)
Le Contraire de la Chose est clôturé par une série de « scromphales ».
Ces petits personnages ont un caractère incontestable, me confie Alain. C’est la spontanéité de leur naissance, leur besoin organique d’exister sans qu’il y ait à discerner une raison ou un objectif autre que la volonté d’être un peu plus que le frémissement du trait dont ils sont issus. S’ils avaient du volume, on pourrait les croire sortis de la glèbe et se cherchant une forme proche de l’humain, parfois de l’animal ou du végétal, tentative inaboutie qui n’exclut pas les sentiments.[…] Aux férus d’explications étymologiques, le mot scromphalerisque de causer quelques problèmes. Comme tout ce qui est imprévisible et spontané.
La naissance du scromphale, personnage dont l’étymologie est énigmatique ou fantaisiste (je ne m'y étendrai pas ici) doit être considérée comme spontanée et irréfléchie, coulant de source, issue du subsconscient de son auteur. Il est parfois accompagnéd'un poème laconique mais prégnant, comme c'est le cas sur le carton de la galerie Anversville : « Penseur zen / ou ce en / reste / après / des heures / de méditation / et la perte /de son / tatami ».
Parmi les exposants à Grafiek, signalons entre autres Jacques Calonne, Serge Goldwicht, Chris van der Veken, Xavier Löwenthal et Alain Rivière, sans oublier Johan Rham (pseudonyme de Johan Roosen, °Saint-Trond, 23 septembre 1943) qui devait nous quitter volontairement et prématurément, le 19 octobre 1967. Les trois années qui précédèrent sa mort, il vécut à Anvers, dans la vieille ville (ou 'Naalg' comme il avait l'habitude de l'appeler). C'est là qu'on pouvait le rencontrer dans des bistrots comme « Paddock », « Mok » ou « De Muze ».
Le dernier dessin de Johan Ram
La nouvelle galerie Anversville se présente sous la signature d'Emmanuel d'Autreppe, codirecteur des collections aux éditions Yellow Now :
11 septembre 2011. À Anvers appareille une nouvelle embarcation. Elle croit à la fertilité du temps, à l'utilité du voyage, au pouvoir des images (si on ne les dévêt pas de leur humour). Elle croit à la curiosité et à la possibilité de comprendre, au sens fort, étymologique, le monde dans un cabinet. Elle se moque gentiment de l'épopée industrielle ou de l'histoire coloniale, elle fait parler les morts pour égayer – entre autres en – les enfants. Elle mise sur le lointain, sans se leurrer sur les nouveaux départs. Elle n'ouvre ses petites portes que pour en révéler mille autres. Qui dira si elle trompe l’œil ? Non, elle cherche plutôt, comme disait Dotremont de la photographie, à le dénuder.
Henri-Floris JESPERS
ANVERSVILLe, Contemporary Antiquary, Wolstraat 33, 2000 Antwerpen. Du jeudi au samedi, de 14 à 18h. [22 mars – 27 mai ].
www.anversville.be
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Alain GERMOZ, L’Ombre et le masque, Anvers, Archipel, 2002, 96 p.
Alain GERMOZ, La Sandale d'Empédocle, Auxerre, Rhubarbe, 2007, 71 p.
Alain GERMOZ, Le Contraire de la Chose, Anvers, Archipel, 2008, 89 p.
Leo DOHMEN et al., Johan Rham, Anvers, éditions de la Serpouette, 1975, non paginé, ill.
À propos d'Alain Germoz, cf. :
Henri-Floris JESPERS, 'De andere stem van de stad', in: Deus ex Machina, XVI, nr. 4 (1992), pp. 92-106; XVII, nr. 1 (1993), pp. 63-75.
Henri-Floris JESPERS, 'De onmogelijke identiteit. Dialogen met Alain Germoz & fragmenten van een portret', in: Gierik & Nieuw Vlaams Tijdschrift, nr. 65, winter 1999, pp. 77-83.
Dossier portatif. Alain Germoz : 'Aujourd’hui, le riz condé a un goût âcre', inBulletin de la Fondation Ça ira, no29, 1ertrimestre 2007, pp. 13-29.
Àpropos des relations privilégiées de Germoz avec le peintre Paul Joostens, cf.
Henri-Floris JESPERS, 'Paul Joostens : « Le chef- d'œuvre est né »'. Alleluia', in Bulletin de la Fondation Ça ira, no18, 2èmetrimestre 2004, pp. 3-38.
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Recherchez également 'Alain Germoz' : www.mededelingen.over-blog.com